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Théodore de Banville
1823 - 1891
1 Les Cariatides (1843)

Livre Troisième
44 - Le Pressoir, A Auguste Vitu
«Sans la justesse de l'expression, pas de poésie.»
Théodore de Banville, Petit Traité de poésie française.

LES CARIATIDES

LIVRE TROISIÈME

Le Pressoir
A Auguste Vitu

Sans doute elles vivaient, ces grappes mutilées
Qu'une aveugle machine a sans pitié foulées!
Ne souffraient-elles pas lorsque le dur pressoir
A déchiré leur chair du matin jusqu'au soir,

Et lorsque de leur sein, meurtri de flétrissures,
Leur pauvre âme a coulé par ces mille blessures?
Les ceps luxuriants et le raisin vermeil
Des coteaux, ces beaux fruits que baisait le soleil,
Sur le sol à présent gisent, cadavre infâme

D'où se sont retirés le sourire et la flamme!
Sainte vigne, qu'importe! à la clarté des cieux
Nous nous enivrerons de ton sang précieux!
Que le coeur du poëte et la grappe qu'on souille
Ne soient plus qu'une triste et honteuse dépouille,
Qu'importe, si pour tous, au bruit d'un chant divin,
Ruisselle éblouissant le flot sacré du vin!

Mars 1842.

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