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Louis Aragon
Neuilly sur Seine, 1897 - Paris, 1982


Aragon - Le jeu d'Aragon

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Le jeu d'Aragon


Les cartes sont singulièrement brouillées pour l'Aragon d'« avant le jeu ». Il subit l'apesanteur sociale du fils illégitime que l'on fait passer pour le frère de sa mère. Dès lors qu'avec la Grande Guerre, il quitte le milieu trouble des origines pour entrer dans le jeu public de la littérature, il part à la recherche des règles qui lui manquent. Toute la période de l'entre-deux-guerres peut être considérée comme une recherche des contraintes qu'il lui faut bien trouver puisqu'il n'en hérite pas. Pour trouver sa place, il doit se construire un rôle.
Aragon commence le jeu par une table rase, comme pour évacuer ce qu'il n'est pas en mesure de posséder en propre, l'impossible héritage familial. Il coupe les ponts en communiant dans l'intransigeance de la révolte et l'absolu de la modernité esthétique. Au sein du groupe surréaliste, puis du parti communiste, il trouve les fidélités contraignantes dont il a besoin pour jouer.
Après la Seconde Guerre Mondiale, les cartes sont distribuées et l'écrivain se trouve désormais jeté en pleine lumière. C'est au jeu avec les contraintes, redoublées par le passé déjà accumulé, que le virtuose peut s'adonner. Avec un bonheur inégal, selon les circonstances.

'où vient-il qu'Aragon inspire d'abord l'impression d'une inquiétante aisance ? L'extraordinaire facilité d'écriture dont témoignent à la fois l'abondance des textes, les manuscrits de cet écrivain et les témoins de sa vie, a forgé l'image d'un virtuose. Ceux qui l'ont croisé en société font aussi le portrait d'un séducteur, monopolisant la parole et les regards, et ils rapportent cette curieuse manie qu'il avait de chercher en permanence son image dans les miroirs, comme pour vérifier ce que les autres voyaient de lui. Dans La Mise à mort, le « roman » de 1965, Anthoine, qui est aussi Alfred et peut-être encore un autre, souffre d'avoir perdu l'image que ne lui rendent plus les miroirs. Il aime Fougère qui est aussi Ingeborg... Inquiétant, insaisissable, déroutant, Aragon fait naître, chez qui le regarde, le malaise que génère celui qu'on ne sait pas situer. Et ce malaise est accru par le fait que loin d'être gauche, maladroit, comme celui qui n'est pas à sa place, Aragon occupe au contraire toutes les places et tous les rôles à la perfection. De là l'aisance du virtuose, et de là aussi le soupçon qu'elle fait naître. L'habile encourt toujours le risque d'être perçu comme faux, de dissimuler, de tricher.

Aragon est le joueur qui joue trop bien pour se conformer à la première règle du jeu : faire oublier les règles et les rendre implicites. Avec lui, au contraire, on est sans cesse tenté de rappeler les règles et de chercher l'imposture. La vie et l'oeuvre d'Aragon peuvent être lues comme une alternance entre les périodes où il est le maître d'échecs qui joue plusieurs parties simultanées, faisant ainsi converger vers lui tous les regards et l'admiration, et les périodes où il participe à un concours de bridge au cours duquel il ne cesse de passer d'une table à l'autre, provoquant partout l'indignation et les sourcils froncés. Il est celui qui ne tient pas en place.

Au risque de paraître grossier aux yeux de ceux qui crient à la vulgarité de toute explication, on soutiendra ici l'évidence du rôle joué par les origines dans cette trajectoire. Pour l'Aragon d'« avant le jeu », les cartes sont singulièrement brouillées. Il subit l'apesanteur sociale du fils illégitime que l'on fait passer pour le frère de sa mère. Dès lors qu'avec la Grande Guerre, il quitte le milieu trouble des origines pour entrer dans le jeu public de la littérature, il part à la recherche des règles qui lui manquent. Toute la période de l'entre-deux-guerres peut être considérée comme une recherche des contraintes qu'il lui faut bien trouver puisqu'il n'en hérite pas. Pour trouver sa place, il doit se construire un rôle.
Aragon commence le jeu par une table rase, comme pour évacuer ce qu'il n'est pas en mesure de posséder en propre, l'impossible héritage familial. Il coupe les ponts en communiant dans l'intransigeance de la révolte et l'absolu de la modernité esthétique. Au sein du groupe surréaliste, puis du parti communiste, il trouve les fidélités contraignantes dont il a besoin pour jouer.
Après la Seconde Guerre Mondiale, les cartes sont distribuées et l'écrivain se trouve désormais jeté en pleine lumière. C'est au jeu avec les contraintes, redoublées par le passé déjà accumulé, que le virtuose peut s'adonner. Avec un bonheur inégal, selon les circonstances.

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