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Louis Aragon
Neuilly sur Seine, 1897 - Paris, 1982


Quelques extraits de poèmes


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Quelques extraits de poèmes

Extrait de "Vingt ans après"


Ô mon amour ô mon amour toi seule existe
À cette heure pour moi du crépuscule triste
Où je perds à la fois le fil demon poème
Et celui de ma vie et la joie et la voix
Parce que j'ai voulu te redire Je t'aime
Et que ce mot fait mal quand il est dit sans toi
Aus - Extrait de "Le temps des mots croisés"

Ô soleil de minuit sans sommeil solitude
Dans les logis déserts d'hommes où vous veillez
Épouses d'épouvante elles font leur étude
Des monstres grimaçants autour de l'oreiller

Qui donc a déchaîné la peur cette bannie
Et barbouillé de bleu panique les carreaux
Le sable sous le toit Dans le coeur l’insomnie
Personne ne lit plus le sort dans les tarots

Écoute Dans la nuit mon sang bat et t’appelle
Je cherche dans le lit ton poids et ta couleur
Faut-il que tout m’échappe et si ce n’est pas elle
Que me fait tout cela Je ne suis pas des leurs

Je ne suis pas des leurs puisqu’il faut pour en être
S’arracher à sa peau vivante comme à Bar
L’homme de Ligier qui tend vers la fenêtre
Squelette par en haut son pauvre coeur barbare

Je suis à toi Je suis à toi seule J’adore
La trace de tes pas le creux où tu te mis
Ta pantoufle perdue ou ton mouchoir Va dors
Dors mon enfant craintif Je veille c’est promis

Je veille Il se fait tard La nuit du moyen âge
Couvre d’un manteau noir cet univers brisé
Peut-être pas pour nous mais cessera l’orage
Un jour et reviendra le temps des mots croisés

Extrait de "Les amants séparés"


Je ferai de ces mots notre trésor unique
Les bouquets joyeux qu’on dépose au pied des saintes
Et je te les tendrai ma tendre ces jacinthes
Ces lilas suburbains le bleu des véroniques
Et le velours amande aux branchages qu’on vend
Dans les foires de Mai comme les cloches blanches
Du muguet que nous n’ironspas cueillir avant
Avant ah tous les mots fleiris l’á-devant flanchent
Les fleurs perdent leurs fleurs au souffle de ce vent
Et se ferment les yeux pareils à des pervenches
Pourtant je chanterai pour toi tant que résonne
Le sang rouge en mon coeur qui sans fin t’aimera
Ce refrain peut paraître un tradéridéra
Mais peut-être qu’un jour les mots que murmura
Ce coeur usé ce coeur banal seront l’aura
D’un monde merveilleux où toi seule sauras
Que si le soleil brille et si l’amour frissonne
C’est que sans croire même au printemps dès l’automne
J’aurai dit tradéridéra comme personne

"Santa Espina"

Je me souviens d'un air qu'on ne pouvait entendre
Sans que le coeur battît et le sang fût en feu
Sans que le feu reprît comme un coeur sous la cendre
Et l'on savait enfin pourquoi le ciel est bleu

Je me souviens d’un air pareil à l’air du large
D’un air pareil au cri des oiseaux migrateurs
Un air dont le sanglot semble porter en marge
La revanche de sel des mers sur leurs dompteurs

Je me souviens d’un air que l’on sifflait dans l’ombre
Dans les temps sans soleils ni chevaliers errants
Quand l’Espagne pleurait et dans les catacombes
Rêvait un peuple pur à la mort des tyrans

Il portait dans son nom les épines sacrées
Qui font au front d’un dieu ses larmes de couleur
Et le chant dans la chair comme une barque ancrée
Ravivait sa blessure et rouvrait sa douleur

Personne n’eût osé lui donner des paroles
À cet air fredonnant tous les mots interdits
Univers ravagé d’anciennes véroles
Il était ton espoir et tes quatre jeudis

Je cherche vainement ses phrases déchirantes
Mais la terre n’a plus que des pleurs d'opéra
Il manque au souvenir de ses eaux mirmurantes
L’appel de source en source au soir des ténoras

Ô Sainte Épine ô Sainte Épine recommence
On t’écoutait debout jadis t’en souviens-tu
Qui saurait aujourd’hui renouer ta romance
Rendre la voix aux bois chanteurs qui se sont tus

Je veux croire qu’il est encore des musiques
Au coeur mystérieux du pays que voilà
Les muets parleront et les paralytiques
Marcheront un beau jour au son de la cobla

Et l’on verra tomber du front du Fils de l’Homme
La couronne de sang symbole du malheur
Et l’Homme chantera tout haut cette fois comme
Si la vie était belle et l’aubépine en fleurs

"Richard II quarante"

Ma patrie est comme une barque
Qu’abandonnèrent ses haleurs
Et je ressemble à ce monarque
Plus malheureux que le malheur
Qui restait roi de ses douleurs

Vivre n’est plus qu’un stratagème
Le vent sait mal sécher les pleurs
Il faut haïr tout ce que j’aime
Ce que je n’ai plus donnez-leur
Je reste roi de mes douleurs

Le coeur peut s’arrêter de battre
Le sang peut couler sans chaleur
Deux et deux ne fassent plus quatre
Au Pigeon-Vole des voleurs
Je reste roi de mes douleurs

Que le soleil meure ou renaisse
Le ciel a perdu ses couleurs
Tendre Paris de ma jeunesse
Adieu printemps du Quai-aux-Fleurs
Je reste roi de mes douleurs

Fuyez les bois et les fonatines
Taisez-vous oiseaux querelleurs
Vos chants sont mis en quarantaine
C’est le règne de l’oiseleur
Je reste roi de mes douleurs

Il est un temps pour la souffrance
Quand Jeanne vint à Vaucouleurs
Ah coupez en morceaux la France
Le jour avait cette pâleur
Je reste roi de mes douleurs]

Extrait de "Zone libre"


Fading de la tristesse oubli
Le bruit du coeur brisé faiblit
Et la cendre blanchit la braise
J’ai bu l’été comme un vin doux
J’ai rêvé pendant ce mois d’août
Dans un château rose en Corrèze

Mon amour j’étais dans tes bras
Au dehors quelqu’un murmura
Une vieille chanson de France
Mon mal enfin s’est reconnu
Et son refrain comme un pied nu
Troubla l’eau verte du silence

Extrait de "Les croisés"


Reine des cours d'amour ô princesse incertaine
C’est à toi que rêvaient les mourants au désert
Beaux fils désespérés qui pour toi se croisèrent
Éléonore Éléonore d’Aquitaine

Plus tard plus tard quand la souveraibe bannie
Eut quitté son palais la France et ses amours
Ils retrouvèrent la mémoire de ces jours
Et les mots passionnés de leurs litanies

Éveillèrent la rime inverse des paroles
Du prêcheur noir et blanc qu’ils avaient bafoué
La croix a pris pour eux un sens inavoué
Sans crime on peut nommer Sang-du-Christ les girolles

Mais ce ne fut enfin que dans quelque Syrie
Qu’ils comprirent vraiment les vocables sonores
Et blessés à mourir surent qu’Éléonore
C’était ton nom Liberté Liberté chérie

Extrait de "Elsa je t'aime"

Au biseau des baisers
Les ans passent trop vite
Évite évite évite
Les souvenirs brisés

Ce quatrain qui t’a plu pour sa musique triste
Quand je te l’ai donné comme un trèfle fleuri
Stérilement dormait au fond de ma mémoire
Je le tire aujourd’hui de l’oublieuse armoire
Parce que lui du moins tu l’aimais comme on chante
‘Elsa je t’aime’ ô ma touchante ô ma méchante

Les ans passent trop vite
Au biseau des baisers
Évite évite évite
Les souvenirs brisés

Rengaine de cristal mirmure monotone
Ce n’est jamais pour rien que l’air que l’on fredonne
Dit machinalement des mots comme des charmes
Un jour vient où les mots se modèlent aux larmes
Ah fermons ce volet qui bat sans qu’on l’écoute
Ce refrain d’eau tombe entre nous comme une goutte

Évite évite évite
Les souvenirs brisés
Au biseau des baisers
Les ans passent trop vite


Le choix de Florence Saillen

[" Le Crève-cœur " et " Le Nouveau Crève-cœur "]

Le cœur humain n'a pas changé
Il est aussi fou sinon pire
Qu'il était aux jours de Shakespeare - p.37

L'histoire et mon amour ont la même foulée - p.138

Dans la mémoire du silence
Il n'est que le temps de bourreau - p.145

Quand il faudra fermer le livre
Ce sera sans regretter rien
J'ai vu tant de gens si mal vivre
Et tant de gens mourir si bien -

L'homme change bien moins que ne changent ses armes - p.167

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