Vincent VanGogh
1853 /1890
Biographie

 

Théodorus Van Gogh* est pasteur de l'Église reformée néerlandaise, Anna Cornelia fille du relieur de la Cour de La Haye*. Ils se marient en 1851. Le 30 Mars 1853 Théodorus Van Gogh et son épouse Anna Cornelia* née Carbentus donnent naissance à Vincent Willem*(un an jour pour jour après la naissance de leur premier enfant mort-né*qui portait le même prénom) dans leur maison de la localité néerlandaise de Grootzundert, à environ 50 km de Breda*dans le Brabant*septentrional.


Le 1er Mai 1857 naît son frère Théodorus, dit Théo* avec qui se développe une étroite relation. Vincent fréquente l'école du village de Zundert (1861-1864 ) puis entre à l'internat privé de Jan Provily à Zevenbergen (jusqu'en 1866) où il apprend le français, l'anglais et l'allemand et s'essaie déjà au dessin, puis l'internat public König Wilhelm II à Tilburg*(1866-1868). Les résultats de Vincent étant médiocres et la situation financière du pasteur Van Gogh devenue précaire, il termine ses études en 1968 à l'âge de 15 ans. Il retourne dans la maison de son père à Grootzundert, où il demeure jusqu'en juillet 1869.


Vincent entre comme apprenti le 1er août 1869 dans la filiale de la galerie d'art parisienne Goupil & Cie, à La Haye, fondée par son oncle Vincent où il fait la connaissance d'œuvres d'art et de quelques artistes, collabore à la vente de tableaux, de photos, d'eaux-fortes et de reproductions. Sa vie est régulière, austère et studieuse. Il lit, visite les musées. C'est un employé zélé, ponctuel et efficace.

En 1872 Vincent passe les vacances chez ses parents à Helvoirt dans le Brabant*où son père vient d'être nommé pasteur. Il y retrouve son frère Théo auquel il rend également visite à La Haye*en août. Lorsque Théo repart pour Oisterwijk*, les deux frères commencent une correspondance fort intensive, rarement interrompue pour longtemps, qui durera jusqu'à la mort de Vincent et représente la principale source de son évolution artistique, psychique et physique. A son tour Theo est admis dans la filiale bruxelloise de la firme Goupil en 1873.

En mai de la même année, Vincent est nommé à Londres* où la galerie n'est ouverte qu'aux marchands. Il s'y installe en juin après un séjour à Paris qui l'impressionne vivement par ses musées (surtout Le Louvre) et ses expositions de peintures. Il habite dans la pension d'une certaine Ursula Loyer, veuve d'un pasteur du midi de la France qui élève seule sa fille de 19 ans Eugénie et dont il s'éprend. Mais elle lui révèle qu'elle est déjà secrètement fiancée et oppose un violent refus à ses demandes en mariage. Vincent est désespéré. En novembre Théo est muté à La Haye. Vincent passe quelques semaines de vacances à Helvoirt pendant l'été 1874. Il confiera sa déception amoureuse à sa famille, inquiète par son abattement qu'il a tu à Théo.


Il retourne à Londres* vers la mi-juillet. Anna*, sa sœur de 19 ans l'accompagne souhaitant y trouver un emploi. Elle est sa seule compagne. Vincent est déprimé, plus rien ne l'intéresse. "L'envie de dessiner, qui m'avait pris ici en Angleterre, a de nouveau disparu. Mais peut-être le caprice se réveillera-t-il un jour ou l'autre." Vincent ne montre que peu d'intérêt pour son travail, lit beaucoup et entreprend la traduction de la bible en plusieurs langues. Afin de le détacher de ses pénibles souvenirs londoniens, son oncle le fait muter dans la maison-mère de Goupil à Paris. Son état dépressif ne s'améliore pas et il retourne dans la filiale londonienne à la fin de l'année.

En mai 1875 Vincent est définitivement nommé à Paris, mais là aussi, il néglige son travail. Ni les expositions, ni les musées ne conjurent le mysticisme qui commence à le hanter. Le père de Vincent, est nommé pasteur à Etten, près de Breda* en octobre. Vincent passe les fêtes de Noël chez ses parents à Etten, sans avertir qui que ce soit à la direction de Goupil et Cie.

En 1876 la firme est reprise par Boussod et Valadon, s'attendant à être renvoyé pour manque de professionnalisme, il donne lui-même son congé. Le 16 avril 1876 Vincent se rend à Ramsgate*, près de Londres, où il trouve du travail dans la petite école privée comme maître auxiliaire.

Le morne travail de Vincent n'est pas rémunéré. Il n'a "pas autre chose que la nourriture et le gîte". C'est de tout autre chose que Vincent a besoin. "Mon but est de trouver un poste qui soit en relation avec l'Église, je continue à chercher" écrit-il. Quand l'école du révérend Stokes est transférée à proximité de Londres au cours de l'été, Vincent continue à travailler comme maître auxiliaire à Isleworth, un quartier ouvrier situé à la périphérie de Londres. Il abandonne rapidement M. Stokes. Le révérend Jones* tient une école à Holme Court, dans le même faubourg d'Isleworth. Vincent devient maître d'école et assistant du pasteur méthodiste qui lui alloue également un maigre paiement, mais sensible au talent de prédicateur de son employé, lui demande en revanche de visiter les gens de la paroisse. Vincent fait son premier sermon en novembre et veut désormais consacrer toute sa vie à l'évangélisation des pauvres. Il montre en outre de l'intérêt pour la peinture et les musées.

À Noël il rentre à Etten, épuisé, illuminé, hâve, ses parents sont si effrayés par son mauvais état physique et psychique qu'ils le persuadent de ne pas repartir pour l'Angleterre. Grâce à l'intervention de l'oncle Cent, M. Braat consent à l'engager commis dans la librairie Blussé & van Braam à Dordrecht. Il loge dans la famille du marchand de grains Rijkens avec un jeune maître d'école nommé R. C. Görlitz, qui est son seul ami. Il se rend chaque jour à l'église, et suit aussi les offices d'autres confessions. Il continue à travailler à des traductions de la Bible, "ce que je voudrais tellement c'est l'avoir toute dans la tête, voir la vie à la lumière de ces paroles là." Parallèlement il visite des musées et des galeries d'art et dessine avec zèle mais il n'a plus qu'une seule volonté : "Mon intime souhait, ma prière : que l'esprit de mon père et de mon grand-père renaisse en moi, qu'il me soit accordé d'être un chrétien, un serviteur du Christ."

Sa détermination finit par imposer qu'on lui laisse entreprendre les études nécessaires pour devenir "ministre du Saint Évangile". Il part donc à Amsterdam pour se préparer à l'examen d'entrée de la faculté de théologie. Son oncle Johannes *(jan, 1817-1855), le commandant du chantier naval, est veuf. C'est chez lui que Vincent dispose d'une chambre. Par l'intermédiaire de son oncle, le pasteur J. R. Stricker*, qui est marie avec Catrina Cerardina Carbentus, une sœur de sa mère, il reçoit des leçons de latin et de grec du Dr. Mendes Da Costa* et des leçons de mathématiques du neveu de ce dernier. Vincent lit beaucoup, dessine, et visite les musées, surtout le Trippenhuis, le prédécesseur du futur Rijksmuseum et a énormément de mal à étudier. Vincent retourne à Etten en Juillet puis se rend à Bruxelles pour préparer l'admission à l' école de formation pour évangélistes. Il recommence à peindre.

Au mois d'Octobre 1878, il sera refusé à l'université de théologie d'Amsterdam et repart pour Etten. En décembre sa vocation religieuse le conduira dans le Borinage, le bassin houiller Belge situé au Sud de la Haine, entre Mons et la frontière française. Dans cette région industrielle, de nombreuses familles de mineurs et d'ouvriers vivent dans de très mauvaises conditions de travail et de vie. Vincent vit lui-même dans la plus grande pauvreté, rend visite à des malades et lit la Bible aux mineurs. Durant le premier semestre 1879 l'école évangéliste de Bruxelles lui permet de travailler comme prédicateur à Wasmes, dans le Borinage. "Pour frayer avec les mineurs, il faut se faire mineur, ne pas affecter des airs prétentieux ni des manières orgueilleuses ou pédantes, sinon il n'y a pas moyen de s'entendre avec eux et on ne peut gagner leur confiance." Vincent s'installe donc dans une baraque et couche sur la paille. Il se veut pauvre parmi les plus pauvres. Il descend au fond de la mine. Il s'identifie aux mineurs, les soutient, panse leurs blessures et prie. A travers eux il est hanté par la peinture. Son zèle fanatique et son engagement social exagéré irritent toutefois ses supérieurs qui ne prolongent pas sa mission.

Vincent se rend à pied à Bruxelles pour chercher conseil auprès du pasteur Pietersen de l'école évangéliste, lui-même peintre amateur et lui montre quelques dessins.

En août 1979 il décide de poursuivre sa mission d'évangélisation des pauvres sans aucune caution de l'église. Il vit une époque de crises extrêmement profondes dans la plus grande pauvreté. Sa correspondance avec Théo sera même interrompue car Vincent vit mal son incompréhension vis-à-vis de sa décision professionnelle.

En juillet 1880 Vincent reprend sa correspondance avec son frère qui travaille maintenant dans la maison-mère de Goupil à Paris. Celui ci envoie chaque mois une partie de son salaire à Vincent qui en vivra jusqu'a la fin de sa vie. Ses lettres laissent transparaître son incertitude tracassante à propos de sa vie et de sa carrière futures. En été il finit par se décider définitivement en faveur d'une profession artistique. Il ne parle plus que de dessins à Théo qui l'encourage dans son travail et lui envoie des estampes et des reproductions de tableaux du peintre français Jean-François Millet (1814-1875), que Vincent copie. Il étudie avec le même fanatisme qu'il a eu pour la bible. Le dessin le sauve.

Octobre 1880, Vincent étudie à l'Académie des Beaux-arts le dessin anatomique et la perspective, connaissances indispensables pour sa profession. En novembre, il fait la connaissance du peintre hollandais Anton G.A. Ridder van Rappard *(1858-1892). Après quelques semaines d'observation réciproque, ils se lient d'amitié et travaillent régulièrement ensemble. Vincent reste à Bruxelles jusqu'en avril 1881 où il se rend à Etten. Il y dessine avant tout des paysages, mais aussi des figures d'après nature. Van Rappard* vient le rejoindre et chaque jour ils sortent dessiner dans la bruyère auprès d'un marécage.

En août 1881, le pasteur Stricker, son oncle d'Amsterdam, envoie sa fille Cornelia Adriana Von-Stricker*, dite Kee*, passer quelques semaines chez sa sœur dans la maison du pasteur d'Etten avec son fils Jan*. Elle est veuve depuis peu et cette rencontre bouleverse Vincent : "je travaille plus facilement même depuis que je l'ai rencontrée". Vincent s'éprend de Kee qui, n'ayant pas encore surmonté la perte de son mari, repousse ses avances et retourne avant l'heure à Amsterdam.

En Août il passe deux jours à La Haye, Tersteeg (qui encourage les jeunes artistes de talent) et Anton Mauve *(peintre auquel Vincent est apparenté du coté de sa mère), auxquels il montre ses études, s'accordent à trouver qu'il a fait des progrès et lui conseillent de se mettre à la peinture. A la mi-octobre, il n'a pas cessé d'étudier. Il confie à van Rappard "J'ai toutes sortes d'études de bêcheurs, de semeurs, hommes et femmes. Je travaille pour le moment beaucoup au fusain et au Conté, j'ai également essayé la sépia et la détrempe. Enfin je ne puis vous dire si vous trouvez des progrès dans mes dessins, mais vous découvrirez sûrement du changement". Mais les progrès dont Vincent est conscient provoquent en lui un doute : "j'espère aller d'ici peu en visite chez Mauve, pour savoir si je vais me mettre à peindre, oui ou non. Si je m'y décide, je veux continuer. Mais avant de m'y mettre, je voudrais encore en parler à l'un ou à l'autre".

Après avoir harcelé Kee de lettres, Vincent va la retrouver à Amsterdam pour lui faire une demande en mariage. Mais elle l'évite et ne le reçoit même pas. Pour prouver aux parents Stricker le sérieux de ses intentions, Vincent met une main dans la flamme d'une bougie - la gauche, heureusement, de sorte que sa main droite, celle qui peint, n'est pas blessée. Début décembre Vincent peint pendant un mois près de Mauve à La Haye. Ses rapports avec ses parents deviennent difficiles et à Noël, il a une violente querelle avec son père.

En janvier 1882 Vincent va s'installer près de chez Mauve, qui lui apprend à peindre et lui prête également de l'argent. Il y retrouve aussi une femme qu'il a rencontrée, une prostituée qu'il aborde "par besoin d'affection et mesure d'hygiène". Elle s'appelle Clasina Maria Hoornik, surnommée Sien*, elle a trente-deux ans, elle est vérolée, alcoolique et enceinte. Les rapports de Vincent et de Mauve se refroidissent, entre autres parce qu'il refuse de travailler d'après des modèles en plâtre. Ses rapports avec d'autres peintres sont également tendus. Vincent admet difficilement les critiques et même la moindre réserve à son égard. Il vit en concubinage avec Sien, qui lui sert souvent de modèle. Elle est "The great lady", une grande dame que sa conscience tourmente, et "Sorrow"* icône du désespoir.

En mars son oncle, le marchand d'art Cornelis, lui commande vingt dessins à la plume avec vues d'une ville. Mais peu à peu, sa misère physique, l'intransigeance de ses opinions et son exigence intérieure détruisent ses rapports sociaux. En juin Vincent doit passer trois semaines à l'hôpital communal de La Have pour guérir une blennorragie. Un peu auparavant Vincent avait parlé à Théo de son projet de déménager pour avoir un local plus grand et d'épouser Sien. Lorsqu'il quitte l'hôpital il repart pour Leyde où Sien a accouché d'un garçon et cherche un appartement pour quatre personnes. Sa famille et ses amis voient d'un mauvais oeil son mariage et Théo qui seul permet à Vincent de continuer de peindre lui demande d'y renoncer.

En été, il retourne auprès de Mauve. Au mois de novembre 82 Vincent fait tirer sa première lithographie "Sorrow" dont la première épreuve est envoyée à Théo. Pour la première fois il songe que son oeuvre peut être reconnue : "Il n'est pas impossible que je fasse un jour des choses qui tomberont entre les mains du public ; cette perspective me laisse passablement indifférent ; pour tout dire, elle ne m'enchante guère." Après avoir dessiné et fait de l'aquarelle pendant deux ans, Vincent découvre la peinture à l'huile. Pour tous ses tableaux il commence par une ou plusieurs études. Au début, Vincent peint surtout des paysages. Il est influencé par les peintres : Mauve, Eugène Delacroix(1798-1863), Millet, Jozef Israels (1824-1886), Adolphe Monticelli (1824-1886), et Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898). Son père est nommé comme pasteur à Nuennen et s'y installe avec sa famille.

Vincent reste à La Haye jusqu'à l'été 1883. Il y dessine et peint des paysages, des esquisses et des portraits de gens du peuple, Sien et le nouveau-né. Vincent rencontre le peintre H. J. van der Weele et devient son ami. Au printemps, ils peignent ensemble dans les dunes de Scheveningue. Vincent continue à lire beaucoup de livres, mais aussi des revues comme "Harper's Weekly' et " Graphic". Pour répondre au souhait de Théo et persuadé que la vie commune avec une famille n'est pas conciliable avec son évolution artistique Vincent décide de se séparer de Sien et de partir pour la Drenthe, au Nord de la Hollande : "je suis en proie à une grande tristesse à cause de la femme et des enfants, mais c'est la seule solution".

Le 11 Septembre 1883, il s'installe dans les marécages de Hoogeveen. Le paysage l'impressionne, cette plate région de tourbières, de prairies rases, de bruyères et de canaux, mais encore de misère. Vincent dessine et peint aussi les paysans de la région en train de vaquer à leurs durs travaux. Chaque jour il sort dessiner, torturé par le remords et la tristesse, mais il est emporté par la peinture qui "va de pair avec la peine, les soucis, les déceptions, les heures de mélancolie, d'impuissance et tout ça.". En décembre, Vincent, qui vit mal sa solitude, part rejoindre ses parents à Nuennen où il reste jusqu'en novembre 1883. Il y peindra près de 200 peintures ainsi que de nombreux dessins et aquarelles, oeuvres aux coloris sombres, terreux.

Vincent s'intéresse à l'art des peintres français Delacroix et Eugène Fromentin (1820-1876) et est persuadé qu'il existe une étroite relation entre la couleur et la musique, surtout celle de Richard Wagner. C'est pourquoi il prend des leçons de piano et de chant. Lorsque sa mère se casse une jambe en descendant du train et doit rester longtemps alitée en janvier 1884, il la soigne affectueusement et lui offre le dessin de la petite église protestante entourée d'arbres. Le sacristain catholique lui loue deux pièces dans sa maison en mai où il installe son atelier. Son ami van Rappard vient lui rendre visite pendant dix jours. Il est accompagné par la fille d'une voisine, Margot Begemann* dans ses travaux. Elle lui avoue son amour auquel Vincent hésite tout d'abord à répondre puis décide de l'épouser. Leurs parents respectifs s'y opposent violemment. Margot tente de s'empoisonner, ce qui l'ébranle énormément. Le joaillier d'Eindhoven, Charles Herman lui commande six tableaux décoratifs pour sa salle à manger en Août - Septembre et en Octobre Vincent reçoit à nouveau van Rappard pendant dix jours. Il donne des cours à des peintres amateurs (octobre-novembre) dont le tanneur Kerssemakers qui devient rapidement son ami. En décembre, il abandonne les motifs qu'il vient de peindre pendant des mois (paysans, tisserands...) et projette de réaliser cinquante études de têtes au cours de l'hiver.

Le 26 mars 1885 Theodorus, son père est emporté par une attaque. La peine de Vincent est profonde malgré leurs rapports difficiles. Après une querelle avec sa sœur Anna, il s'installe complètement chez le sacristain Schafrath ne souhaitant "que de vivre au cœur du pays et de peindre la vie des paysans". Il commence alors une toile représentant "des campagnards autour d'un plat de pommes de terre, le soir" Les "Mangeurs de pommes de terre" deviendra l'œuvre principale de sa période hollandaise. Il envoie la toile à Théo à Paris et une lithographie à van Rappard. Le commentaire de ce dernier est sévère ce qui met Vincent tellement en colère que c'est la fin de leur amitié. Avec son ami Kerssemakers, Vincent part en voyage à Amsterdam et visite le Rijksmuseum où il admire avant tout les oeuvres de ses compatriotes hollandais Rembrandt et Franzs Hals. En Novembre 1885, il part pour Anvers. Il est impressionné par Rubens, dont il se fait expliquer la technique, ce qui l'incite à choisir des couleurs plus fortes et plus brillantes sur sa palette. En Janvier 1886, il s'inscrit à l'école des Beaux-arts et suit les cours de la classe de peinture et de dessin de Verlat et de Vink. Malheureusement son corps ne tolère pas le rythme qu'il lui impose (surmenage, mauvaise alimentation et abus de tabac) et il est malade pendant presque tout le mois.

A la fin du mois de février, il décide d'aller s'installer à Paris, afin de prendre des leçons auprès de Cormon* (1845-1924). Il arrive donc le 20 février, sans avoir prévenu son frère, à qui il donne rendez-vous dans le Salon carré pour lui annoncer son souhait de s'installer auprès de lui. Théo loge son frère dans un petit appartement au pied de la butte Montmartre, rue Laval (rebaptisée depuis Victor Massé). Dès les premières semaines, Vincent découvre la peinture des impressionnistes. "A Anvers, je ne savais même pas ce que c'était que les impressionnistes ; maintenant je les ai vus et bien vus, et bien que ne faisant pas partie de leur club, j'ai beaucoup admiré certains de leurs tableaux". Par l'intermédiaire de Théo, il fait également la connaissance des impressionnistes Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Alfred Sisley, Camille Pissarro, Edgar Degas, Paul Signac et Georges Seurat, et de leur peinture. Il se lie d'amitié avec Pissarro (1831-1903) et avec un de ses fils Lucien (1863-1944). Fernand-Anne Piestre, dit Cormon, est régulièrement médaillé au salon, depuis 1870. Les élèves se pressent dans son atelier réputé. En avril-mai, Vincent y étudie et y fait la connaissance de ses confrères John Russell (1858-1931), Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) et Émile Bernard (1868-1941).

Sous l'influence des impressionnistes le coloris de ses natures mortes et de ses tableaux de fleurs devient plus clair et plus vivant : "j'ai peint une série d'études de couleur, simplement des fleurs, coquelicots rouges, bleuets, myosotis : des roses blanches et roses, des chrysanthèmes jaunes ; cherchant des oppositions de bleu avec l'orange, de rouge avec le vert, de jaune avec le violet, cherchant des tons rompus et neutres pour harmoniser la brutalité des extrêmes, essayant de rendre des couleurs intenses, et non une harmonie en gris. J'ai fait aussi une douzaine de paysages franchement verts ou franchement bleus... le vrai dessin c'est le modelé avec la couleur." En Mai la mère de Vincent et sa sœur Wil* quittent Nuenen pour Breda, et en juin c'est au tour de Théo de s'installer au N° 54 de la rue Lepic à Montmartre. Vincent s'y aménage un atelier, où il peint les toits de Paris depuis Montmartre, les arbres de la terrasse des Tuileries... dans un style pointilliste. En hiver il se lie d'amitié avec Paul Gauguin*(1848-1903). Il fréquente le magasin du marchand de couleurs Julien "père" Tanguy* (1825-1894) où il retrouve certains de ceux qui travaillent à l'atelier Cormon : Émile Bernard, Louis Anquetin, John Russel et Toulouse-Lautrec. Peu à peu, Vincent reprend à son compte les thèmes chers aux impressionnistes.

Ses rapports avec Théo se gâtent. Celui-ci écrit même à sa sœur Wil que la vie commune est "presque insupportable". Au printemps 1887 Vincent expose avec E. Bernard, P. Gauguin et Toulouse-Lautrec dans un restaurant populaire à la Fourche, puis dans un cabaret du boulevard de Clichy : Le Tambourin. Leur groupe s'appelle les "peintres du petit boulevard" par opposition aux "peintres du grand boulevard" (Monet, Sisley, Pissarro, Degas, Seurat) qui exposent dans la galerie de Théo. Vincent peint son célèbre "autoportrait devant le chevalet"*, achète des estampes japonaises chez Bring, dont il couvre les murs du Tambourin, et peint lui-même des japonaiseries. Lorsqu' Agostina Segatori*, qui gère le Tambourin, met fin à leur brève liaison il doit forcer la porte du cabaret pour récupérer ses toiles. A l'automne, Vincent fait la connaissance de Seurat avec qui il expose des tableaux dans la salle de répétition du "théâtre libre".

Brusquement, en février 1888, à peine arrivé à Paris, Vincent part. Théo et lui rendent visite à Seurat à son atelier, puis il prend le train. Il arrive en Arles, couverte de neige, le 20 février 1888. Il loge tout d'abord à l'hôtel restaurant "Le Carrel". Le lendemain, il écrit à Théo et lui décrit le pays qu'il découvre "et les paysages de neige avec les cimes blanches comme un ciel aussi lumineux que la neige, étaient bien comme les paysages d'hiver qu'ont fait les japonais". Le rêve de Vincent est de créer un phalanstère. Son unique compagnon pendant deux mois est le peintre danois Christian Mourier-Petersen (1858-1945). Une lettre de sa sœur Wil lui apprend la mort de Mauve. Aussitôt, il écrit sur la toile qu'il rapporte "Souvenir de Mauve"*. Grâce à Théo, trois toiles de Vincent sont présentées au Salon des Indépendants : "romans parisiens","la butte Montmartre" et "Derrière le moulin de la Galette". Il profite de la saison de la floraison des arbres pour peindre dans les vergers. Le peintre américain Dodge Mac Knight (1860-1950), ami de Russel, lui rend visite. Il cesse de peindre pendant plusieurs jours à cause de son estomac malade et d'une rage de dents.

En mai, Vincent loue l'aile droite de "la maison jaune"* de la place Lamartine. Il loge au café de la gare, chez les époux Joseph et Marie Ginoux, qui deviennent ses amis, en attendant de pouvoir se meubler. Sa santé s'améliore et en juin, il passe cinq jour aux Saintes-maries de la mer* ou il découvre la Méditerranée et peint des tableaux de bateaux sur la plage, du village... Il rencontre Paul-Eugène Millet*, sous-lieutenant des zouaves, à qui il donne des leçons de dessin ; et par l'intermédiaire de Mac Knight, le peintre Eugène Boch* (1855-1941). Gauguin, qui était endetté et malade à Pont-Aven, accepte de venir le rejoindre. Vincent est certain qu'ensemble ils peuvent faire "un pas en avant". Mais Gauguin tarde à venir... En juillet, il fréquente Boch*, qui habite temporairement Fontvieille. Le 28 juillet son oncle Vincent meurt à Prinsenhage, près de Breda. Au mois d'août il se lie d'amitié avec le facteur Joseph Roulin*, qui lui rappelle le père Tanguy, et dont il peindra plusieurs portraits. Il réalise une série de tournesols, dont il compare le jaune éclatant à l'effet des vitraux dans une église gothique, pour décorer son atelier.

En octobre 1888, Gauguin arrive enfin en Arles. Sa présence rassure l'inquiet qu'est Vincent. Ils peignent ensemble et devant les mêmes motifs, leurs toiles se répondent ; "La vigne rouge" de Vincent est l'écho de "misères humaines ", "femmes dans la vigne" ou des "vendanges" de Gauguin. Madame Ginoux a la même pose dans "l'arlésienne"*de Vincent et "au café"* de Gauguin. Les deux peintres travaillent et discutent sans relâche, Gauguin peint Vincent* qui peint les tournesols. Mais très vite leurs discussions à propos des oeuvres, d'une "électricité excessive", virent à l'affrontement et leurs rapports se détériorent. Le 23 Décembre 1888, après le dîner, Gauguin, sorti marcher seul dans la ville, entend derrière lui des pas rapides, et se retourne au moment où Vincent se précipite sur lui un rasoir à la main. Gauguin décide de dormir à l'hôtel et durant la nuit Vincent, pris d'une crise de démence, se coupe le lobe de l'oreille gauche et va l'offrir enveloppé dans un papier journal à Rachel, prostituée dans une maison close. La police alertée, le retrouve au petit matin chez lui, évanoui par la perte de sang. Il est admis à l'Hôtel Dieu où il est soigné par le docteur Félix Rey*. Gauguin prévient Théo qui arrive de Paris en toute hâte. Vincent reçoit les visites de Madame Ginoux et des Roulin... On suppose que son mal est dû à l'épilepsie, à l'alcoolisme et à la schizophrénie, mais après quelques jours critiques, son état s'améliore.

En janvier 1889 Vincent écrit une lettre à Théo, lui annonçant qu'il va mieux et ajoute au verso à l'attention de Gauguin : "je vous souhaite la prospérité". Il retourne dans la "maison jaune" le 7 janvier, pressé de retrouver la peinture et adresse des lettres rassurantes à sa mère et sa sœur Wil. Après sa sortie de l'hôpital Vincent se retrouve sans argent et seul : Gauguin est parti et Roulin son seul ami lui annonce qu'il part pour Marseille. Théo se fiance avec Johanna Cesina Bonger* (1862-1925) dite Jo, la sœur de son ami Andries Bonger*. Vincent est envahi par la solitude et ne veut que peindre : "Écoutez laissez moi tranquillement continuer mon travail, si c'est celui d'un fou tant pis. Je n'y peux rien alors.". Il peint deux autoportraits à l'oreille bandée, le portrait du docteur Rey* pour le remercier de ses soins, et reproduit les tournesols et la berceuse, pour laquelle Marie Roulin avait posé avant son départ mais le 7 février, il est de nouveau interné à l'Hôtel Dieu pour insomnie et hallucinations et en mars une pétition est adressée au maire, par laquelle trente voisins obtiennent qu'il soit enfermé à l'hôpital, prétendant qu'il risque de devenir un danger pour le voisinage. On l'appelle "le fou roux" et on l'isole dans une cellule puis les scellés sont posés sur la "maison jaune".

Le 23 mars, Signac passe voir Vincent à l'hôpital, et obtient la permission de l'emmener avec lui dans la "maison jaune" pour y peindre, mais il a un nouvel accès de folie et tente d'avaler de l'essence de térébenthine. Signac le ramène précipitamment à l'hôpital. On lui permet d'y apporter tout le matériel dont il a besoin pour peindre. Théo épouse Johanna à Amsterdam; Vincent lui écrit "si je devais rester pour de bon dans un hospice, je m'y ferais et je crois que je pourrais y trouver des motifs à peindre aussi". Le 2 mai, il expédie deux caisses de toiles à Théo. Le 8 mai, il se rend lui-même à l'asile pour aliénés mentaux Saint-Paul de Mausole*, près de Saint-Rémy de Provence, en compagnie du pasteur Salles qui s'occupe de lui depuis longtemps déjà. Il renonce à vivre seul ; il n'en a pas la force. Il fait vider la "maison jaune", les Ginoux remisent ses quelques meubles au café de la gare. Le docteur Théophile Peyron (1827-1895) diagnostique une épilepsie et l'autorise à peindre en plein air sous la surveillance de l'infirmier Georges Poulet. Dans l'asile, deux chambres* contiguës lui sont réservées, l'une lui servant d'atelier, l'autre où il s'installe, "à papier gris-vert avec deux rideaux vert d'eau à dessin de roses très pales, ravivés de minces traits de rouge sang".

Aussitôt installé, Vincent se met à peindre des fleurs d'iris violets et un buisson de lilas, puis il réalisera plusieurs tableaux et dessins du jardin et du parc de l'asile. N'ayant plus de modèle, il reproduit des oeuvres de Millet, Delacroix, Rembrandt, Doré ou parfois ses propres toiles comme Madame Ginoux ou sa chambre. En juin, il confirme à Théo qui s'inquiète, qu'il mange et dort mieux et que le travail ne lui pèse pas, mais au contraire le distrait. On l'autorise même à peindre à l'extérieur du domaine de l'asile. Mais le 7 juillet, alors qu'il se rend au village, accompagné par le surveillant général Charles Elzéard Trabuc*, pour y récupérer huit de ses toiles, le flot d'émotions nouvelles le rend à nouveau faible et malade : la veille, Johanna lui avait annoncé qu'elle était enceinte de Théo, et souhaitait qu'il soit le parrain du bébé. Ayant eu un nouvel accès pendant qu'il peint à l'extérieur, il doit rester dans l'établissement pendant six semaines et on lui refuse d'entrer dans son atelier, car il a avalé des couleurs toxiques pendant sa crise. Il ne cesse de répéter qu'il ne peut guérir qu'en travaillant, et n'admet pas de devoir demander l'autorisation de peindre.

En septembre, "Les iris" et "La nuit étoilée"* sont présentées au salon des indépendants. Le nord lui manque et Théo envisage son retour à Paris ou dans les environs. Pissarro suggère à Théo d'amener Vincent à Auvers sur Oise. Il y connaît bien un médecin, le docteur Paul Gachet*, lui-même peintre et graveur à ses moments perdus. Il est l'ami de tous les impressionnistes. Veuf, il vit avec ses enfants et accepterait peut-être de le recueillir. En novembre, Octave Maus (1856-1919), secrétaire du groupe d'artistes "Les XX" invite Vincent à participer à une exposition à Bruxelles au huitième salon qu'il organise, aux cotés de Cézanne, Renoir, Signac, Toulouse-Lautrec.... Vincent accepte et enverra six toiles le 30 novembre. En décembre il envoie à Théo de nombreux tableaux, certains pour sa mère et Wil, qui déménagent pour Leyde. Il continue à peindre en plein air et le père Tanguy expose plusieurs de ses oeuvres dans son magasin à Paris. Subitement le 24 décembre, il est sujet à une violente attaque qui dure une semaine et au cours de laquelle il tente de nouveau de s'empoisonner en suçant ses tubes de couleur.

Le 18 janvier 1890, l'exposition des "XX" est ouverte à Bruxelles avec les six tableaux choisis par Vincent. Toulouse-Lautrec provoque en duel un autre peintre qui a dénigré Vincent. Le critique d'art Albert Durier écrit le premier article enthousiasmé qui paraît dans le "Mercure de France" sous le titre "Les isolés - Vincent Van Gogh". Le 19 janvier, il va rendre visite à Madame Ginoux, malade en Arles et deux jours plus tard, une nouvelle crise l'assaille pendant une semaine. Le 31 janvier naît à Paris Vincent Willem Van Gogh, son neveu (qui vivra jusqu'à 88 ans) et en février, Vincent lui dédie "Branches fleuries d'amandier". La sœur d'Eugène Boch achète son tableau "La vigne rouge" pour 400 francs ( certainement le seul tableau vendu de son vivant ). En mars il est représenté par six tableaux au Salon des indépendants. En avril, Vincent s'occupe pendant sa maladie, avec des souvenirs de sa patrie, le Brabant. Monet considère les tableaux de Vincent comme "les meilleurs de l'exposition".

Le 17 mai 1890, Théo attend Vincent sur le quai de la gare de Lyon à Paris puis ils se rendent au 8 cité Pigalle, où il loge avec sa femme et son fils*. Johanna est surprise par la taille, la vigueur et le calme de son beau frère. Quelques-un de ses tableaux sont accrochés dans l'appartement. Le lendemain ils vont rendre visite à Tanguy chez qui sont conservés de nombreux tableaux de Vincent, et visitent au Salon du Champ de mars une exposition de peintres, qui avec Meissonière, se sont séparés du vieux salon. Vincent ne souhaite pas rester dans la capitale, trop bruyante et s'installe à Auvers sur Oise, à 30 Km de Paris. Il emménage chez les Ravoux*, place de la Mairie où il recommence à peindre et à dessiner avec zèle des portraits : le Dr Gachet, sa fille Marguerite et son fils Paul ainsi que des paysages, des vignes et des scènes villageoises. Il semble définitivement guéri. Le peintre Hollandais Anton Matthias Hirschig (1867-1939) loue la chambre contiguë à celle de Vincent. Il reprend sa correspondance avec Gauguin.

Le neveu de Vincent tombe malade et Johanna est épuisée par les veillées. De plus Théo a de gros soucis à cause de son emploi, de sa situation financière et du problème de logement. Il explique à Vincent ses problèmes financiers : il ne pourra plus lui verser régulièrement de l'argent. Vincent réalise qu'il est une charge pour son frère. Il rencontre Toulouse-Lautrec et le critique d'art Aurier, mais il est si excité qu'il rentre à Auvers. Attristé, il continue à peindre. Il écrit à sa mère et à Wil qu'il se sent beaucoup plus calme que l'année précédente.

Le 27 juillet au soir, Vincent d'ordinaire ponctuel, rentre très tard et rejoint directement sa chambre. On le retrouve étendu sur son lit baignant dans son sang. Il avoue qu'il s'est tiré une balle dans la poitrine. Le Dr Gachet Et le Dr Mazery ne peuvent extraire la balle qui est passée sous le cœur. Le lendemain, Théo est prévenu. Vincent passe la journée assis dans son lit en fumant sa pipe. Le 29 juillet à 1 heure 30 Vincent Van Gogh meurt en présence de Théo qui retient ses derniers mots : " je voudrais que ce soit fini". Le Dr Gachet le dessine sur son lit de mort*. Le curé d'Auvers refuse l'office des morts à un suicidé. Il est enterré le 30 dans le cimetière d'Auvers. Théo, le Dr Gachet et quelques amis parisiens l'accompagnent, E. Bernard, le père Tanguy, Lauzet, L. Pissaro, Audries Berger, Charles Laval (1862-1904). Parmi les fleurs jetées sur sa tombe : des tournesols. Le Dr Gachet, pouvant à peine parler, rappelle l'œuvre de Vincent : "C'était un homme honorable et un grand artiste. Il ne connaissait que deux buts : l'humanité et l'art. C'était l'art qu'il estimait plus que tout et qui maintenant tiendra son nom en vie.". Théo a retrouvé dans sa chambre* une lettre inachevée : "eh bien, mon travail à moi, j'y risque ma vie, et ma raison y a sombré à moitié, mais tu n'es pas dans les marchands d'hommes pour autant que je sache, et tu peux prendre parti, je le trouve, agissant réellement avec humanité, mais que veux-tu?".

Après la mort de Vincent, Théo qui aimait énormément son frère en qui il avait mis de grands espoirs dans le travail commun, est un homme brisé. Sa maladie empire. Il part se soigner en Hollande et meurt le 25 janvier 1891 à Utrecht. En 1914 son corps sera exhumé et enterré à coté de la tombe* de Vincent dans le cimetière d'Auvers-sur-Oise.

 

Théodorus Van Gogh* est pasteur de l'Église reformée néerlandaise, Anna Cornelia fille du relieur de la Cour de La Haye*. Ils se marient en 1851. Le 30 Mars 1853 Théodorus Van Gogh et son épouse Anna Cornelia* née Carbentus donnent naissance à Vincent Willem*(un an jour pour jour après la naissance de leur premier enfant mort-né*qui portait le même prénom) dans leur maison de la localité néerlandaise de Grootzundert, à environ 50 km de Breda*dans le Brabant*septentrional.


Le 1er Mai 1857 naît son frère Théodorus, dit Théo* avec qui se développe une étroite relation. Vincent fréquente l'école du village de Zundert (1861-1864 ) puis entre à l'internat privé de Jan Provily à Zevenbergen (jusqu'en 1866) où il apprend le français, l'anglais et l'allemand et s'essaie déjà au dessin, puis l'internat public König Wilhelm II à Tilburg*(1866-1868). Les résultats de Vincent étant médiocres et la situation financière du pasteur Van Gogh devenue précaire, il termine ses études en 1968 à l'âge de 15 ans. Il retourne dans la maison de son père à Grootzundert, où il demeure jusqu'en juillet 1869.


Vincent entre comme apprenti le 1er août 1869 dans la filiale de la galerie d'art parisienne Goupil & Cie, à La Haye, fondée par son oncle Vincent où il fait la connaissance d'œuvres d'art et de quelques artistes, collabore à la vente de tableaux, de photos, d'eaux-fortes et de reproductions. Sa vie est régulière, austère et studieuse. Il lit, visite les musées. C'est un employé zélé, ponctuel et efficace. En 1872 Vincent passe les vacances chez ses parents à Helvoirt dans le Brabant*où son père vient d'être nommé pasteur. Il y retrouve son frère Théo auquel il rend également visite à La Haye*en août. Lorsque Théo repart pour Oisterwijk*, les deux frères commencent une correspondance fort intensive, rarement interrompue pour longtemps, qui durera jusqu'à la mort de Vincent et représente la principale source de son évolution artistique, psychique et physique. A son tour Theo est admis dans la filiale bruxelloise de la firme Goupil en 1873.

En mai de la même année, Vincent est nommé à Londres* où la galerie n'est ouverte qu'aux marchands. Il s'y installe en juin après un séjour à Paris qui l'impressionne vivement par ses musées (surtout Le Louvre) et ses expositions de peintures. Il habite dans la pension d'une certaine Ursula Loyer, veuve d'un pasteur du midi de la France qui élève seule sa fille de 19 ans Eugénie et dont il s'éprend. Mais elle lui révèle qu'elle est déjà secrètement fiancée et oppose un violent refus à ses demandes en mariage. Vincent est désespéré. En novembre Théo est muté à La Haye. Vincent passe quelques semaines de vacances à Helvoirt pendant l'été 1874. Il confiera sa déception amoureuse à sa famille, inquiète par son abattement qu'il a tu à Théo.


Il retourne à Londres* vers la mi-juillet. Anna*, sa sœur de 19 ans l'accompagne souhaitant y trouver un emploi. Elle est sa seule compagne. Vincent est déprimé, plus rien ne l'intéresse. "L'envie de dessiner, qui m'avait pris ici en Angleterre, a de nouveau disparu. Mais peut-être le caprice se réveillera-t-il un jour ou l'autre." Vincent ne montre que peu d'intérêt pour son travail, lit beaucoup et entreprend la traduction de la bible en plusieurs langues. Afin de le détacher de ses pénibles souvenirs londoniens, son oncle le fait muter dans la maison-mère de Goupil à Paris. Son état dépressif ne s'améliore pas et il retourne dans la filiale londonienne à la fin de l'année.

En mai 1875 Vincent est définitivement nommé à Paris, mais là aussi, il néglige son travail. Ni les expositions, ni les musées ne conjurent le mysticisme qui commence à le hanter. Le père de Vincent, est nommé pasteur à Etten, près de Breda* en octobre. Vincent passe les fêtes de Noël chez ses parents à Etten, sans avertir qui que ce soit à la direction de Goupil et Cie. En 1876 la firme est reprise par Boussod et Valadon, s'attendant à être renvoyé pour manque de professionnalisme, il donne lui-même son congé. Le 16 avril 1876 Vincent se rend à Ramsgate*, près de Londres, où il trouve du travail dans la petite école privée comme maître auxiliaire.

Le morne travail de Vincent n'est pas rémunéré. Il n'a "pas autre chose que la nourriture et le gîte". C'est de tout autre chose que Vincent a besoin. "Mon but est de trouver un poste qui soit en relation avec l'Église, je continue à chercher" écrit-il. Quand l'école du révérend Stokes est transférée à proximité de Londres au cours de l'été, Vincent continue à travailler comme maître auxiliaire à Isleworth, un quartier ouvrier situé à la périphérie de Londres. Il abandonne rapidement M. Stokes. Le révérend Jones* tient une école à Holme Court, dans le même faubourg d'Isleworth. Vincent devient maître d'école et assistant du pasteur méthodiste qui lui alloue également un maigre paiement, mais sensible au talent de prédicateur de son employé, lui demande en revanche de visiter les gens de la paroisse. Vincent fait son premier sermon en novembre et veut désormais consacrer toute sa vie à l'évangélisation des pauvres. Il montre en outre de l'intérêt pour la peinture et les musées.

À Noël il rentre à Etten, épuisé, illuminé, hâve, ses parents sont si effrayés par son mauvais état physique et psychique qu'ils le persuadent de ne pas repartir pour l'Angleterre. Grâce à l'intervention de l'oncle Cent, M. Braat consent à l'engager commis dans la librairie Blussé & van Braam à Dordrecht. Il loge dans la famille du marchand de grains Rijkens avec un jeune maître d'école nommé R. C. Görlitz, qui est son seul ami. Il se rend chaque jour à l'église, et suit aussi les offices d'autres confessions. Il continue à travailler à des traductions de la Bible, "ce que je voudrais tellement c'est l'avoir toute dans la tête, voir la vie à la lumière de ces paroles là." Parallèlement il visite des musées et des galeries d'art et dessine avec zèle mais il n'a plus qu'une seule volonté : "Mon intime souhait, ma prière : que l'esprit de mon père et de mon grand-père renaisse en moi, qu'il me soit accordé d'être un chrétien, un serviteur du Christ."

Sa détermination finit par imposer qu'on lui laisse entreprendre les études nécessaires pour devenir "ministre du Saint Évangile". Il part donc à Amsterdam pour se préparer à l'examen d'entrée de la faculté de théologie. Son oncle Johannes *(jan, 1817-1855), le commandant du chantier naval, est veuf. C'est chez lui que Vincent dispose d'une chambre. Par l'intermédiaire de son oncle, le pasteur J. R. Stricker*, qui est marie avec Catrina Cerardina Carbentus, une sœur de sa mère, il reçoit des leçons de latin et de grec du Dr. Mendes Da Costa* et des leçons de mathématiques du neveu de ce dernier. Vincent lit beaucoup, dessine, et visite les musées, surtout le Trippenhuis, le prédécesseur du futur Rijksmuseum et a énormément de mal à étudier. Vincent retourne à Etten en Juillet puis se rend à Bruxelles pour préparer l'admission à l' école de formation pour évangélistes. Il recommence à peindre.

Au mois d'Octobre 1878, il sera refusé à l'université de théologie d'Amsterdam et repart pour Etten. En décembre sa vocation religieuse le conduira dans le Borinage, le bassin houiller Belge situé au Sud de la Haine, entre Mons et la frontière française. Dans cette région industrielle, de nombreuses familles de mineurs et d'ouvriers vivent dans de très mauvaises conditions de travail et de vie. Vincent vit lui-même dans la plus grande pauvreté, rend visite à des malades et lit la Bible aux mineurs. Durant le premier semestre 1879 l'école évangéliste de Bruxelles lui permet de travailler comme prédicateur à Wasmes, dans le Borinage. "Pour frayer avec les mineurs, il faut se faire mineur, ne pas affecter des airs prétentieux ni des manières orgueilleuses ou pédantes, sinon il n'y a pas moyen de s'entendre avec eux et on ne peut gagner leur confiance." Vincent s'installe donc dans une baraque et couche sur la paille. Il se veut pauvre parmi les plus pauvres. Il descend au fond de la mine. Il s'identifie aux mineurs, les soutient, panse leurs blessures et prie. A travers eux il est hanté par la peinture. Son zèle fanatique et son engagement social exagéré irritent toutefois ses supérieurs qui ne prolongent pas sa mission.

Vincent se rend à pied à Bruxelles pour chercher conseil auprès du pasteur Pietersen de l'école évangéliste, lui-même peintre amateur et lui montre quelques dessins. En août 1979 il décide de poursuivre sa mission d'évangélisation des pauvres sans aucune caution de l'église. Il vit une époque de crises extrêmement profondes dans la plus grande pauvreté. Sa correspondance avec Théo sera même interrompue car Vincent vit mal son incompréhension vis-à-vis de sa décision professionnelle.

En juillet 1880 Vincent reprend sa correspondance avec son frère qui travaille maintenant dans la maison-mère de Goupil à Paris. Celui ci envoie chaque mois une partie de son salaire à Vincent qui en vivra jusqu'a la fin de sa vie. Ses lettres laissent transparaître son incertitude tracassante à propos de sa vie et de sa carrière futures. En été il finit par se décider définitivement en faveur d'une profession artistique. Il ne parle plus que de dessins à Théo qui l'encourage dans son travail et lui envoie des estampes et des reproductions de tableaux du peintre français Jean-François Millet (1814-1875), que Vincent copie. Il étudie avec le même fanatisme qu'il a eu pour la bible. Le dessin le sauve.

Octobre 1880, Vincent étudie à l'Académie des Beaux-arts le dessin anatomique et la perspective, connaissances indispensables pour sa profession. En novembre, il fait la connaissance du peintre hollandais Anton G.A. Ridder van Rappard *(1858-1892). Après quelques semaines d'observation réciproque, ils se lient d'amitié et travaillent régulièrement ensemble. Vincent reste à Bruxelles jusqu'en avril 1881 où il se rend à Etten. Il y dessine avant tout des paysages, mais aussi des figures d'après nature. Van Rappard* vient le rejoindre et chaque jour ils sortent dessiner dans la bruyère auprès d'un marécage.

En août 1881, le pasteur Stricker, son oncle d'Amsterdam, envoie sa fille Cornelia Adriana Von-Stricker*, dite Kee*, passer quelques semaines chez sa sœur dans la maison du pasteur d'Etten avec son fils Jan*. Elle est veuve depuis peu et cette rencontre bouleverse Vincent : "je travaille plus facilement même depuis que je l'ai rencontrée". Vincent s'éprend de Kee qui, n'ayant pas encore surmonté la perte de son mari, repousse ses avances et retourne avant l'heure à Amsterdam.

En Août il passe deux jours à La Haye, Tersteeg (qui encourage les jeunes artistes de talent) et Anton Mauve *(peintre auquel Vincent est apparenté du coté de sa mère), auxquels il montre ses études, s'accordent à trouver qu'il a fait des progrès et lui conseillent de se mettre à la peinture. A la mi-octobre, il n'a pas cessé d'étudier. Il confie à van Rappard "J'ai toutes sortes d'études de bêcheurs, de semeurs, hommes et femmes. Je travaille pour le moment beaucoup au fusain et au Conté, j'ai également essayé la sépia et la détrempe. Enfin je ne puis vous dire si vous trouvez des progrès dans mes dessins, mais vous découvrirez sûrement du changement". Mais les progrès dont Vincent est conscient provoquent en lui un doute : "j'espère aller d'ici peu en visite chez Mauve, pour savoir si je vais me mettre à peindre, oui ou non. Si je m'y décide, je veux continuer. Mais avant de m'y mettre, je voudrais encore en parler à l'un ou à l'autre".

Après avoir harcelé Kee de lettres, Vincent va la retrouver à Amsterdam pour lui faire une demande en mariage. Mais elle l'évite et ne le reçoit même pas. Pour prouver aux parents Stricker le sérieux de ses intentions, Vincent met une main dans la flamme d'une bougie - la gauche, heureusement, de sorte que sa main droite, celle qui peint, n'est pas blessée. Début décembre Vincent peint pendant un mois près de Mauve à La Haye. Ses rapports avec ses parents deviennent difficiles et à Noël, il a une violente querelle avec son père.

En janvier 1882 Vincent va s'installer près de chez Mauve, qui lui apprend à peindre et lui prête également de l'argent. Il y retrouve aussi une femme qu'il a rencontrée, une prostituée qu'il aborde "par besoin d'affection et mesure d'hygiène". Elle s'appelle Clasina Maria Hoornik, surnommée Sien*, elle a trente-deux ans, elle est vérolée, alcoolique et enceinte. Les rapports de Vincent et de Mauve se refroidissent, entre autres parce qu'il refuse de travailler d'après des modèles en plâtre. Ses rapports avec d'autres peintres sont également tendus. Vincent admet difficilement les critiques et même la moindre réserve à son égard. Il vit en concubinage avec Sien, qui lui sert souvent de modèle. Elle est "The great lady", une grande dame que sa conscience tourmente, et "Sorrow"* icône du désespoir.

En mars son oncle, le marchand d'art Cornelis, lui commande vingt dessins à la plume avec vues d'une ville. Mais peu à peu, sa misère physique, l'intransigeance de ses opinions et son exigence intérieure détruisent ses rapports sociaux. En juin Vincent doit passer trois semaines à l'hôpital communal de La Have pour guérir une blennorragie. Un peu auparavant Vincent avait parlé à Théo de son projet de déménager pour avoir un local plus grand et d'épouser Sien. Lorsqu'il quitte l'hôpital il repart pour Leyde où Sien a accouché d'un garçon et cherche un appartement pour quatre personnes. Sa famille et ses amis voient d'un mauvais oeil son mariage et Théo qui seul permet à Vincent de continuer de peindre lui demande d'y renoncer.

En été, il retourne auprès de Mauve. Au mois de novembre 82 Vincent fait tirer sa première lithographie "Sorrow" dont la première épreuve est envoyée à Théo. Pour la première fois il songe que son oeuvre peut être reconnue : "Il n'est pas impossible que je fasse un jour des choses qui tomberont entre les mains du public ; cette perspective me laisse passablement indifférent ; pour tout dire, elle ne m'enchante guère." Après avoir dessiné et fait de l'aquarelle pendant deux ans, Vincent découvre la peinture à l'huile. Pour tous ses tableaux il commence par une ou plusieurs études. Au début, Vincent peint surtout des paysages. Il est influencé par les peintres : Mauve, Eugène Delacroix(1798-1863), Millet, Jozef Israels (1824-1886), Adolphe Monticelli (1824-1886), et Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898). Son père est nommé comme pasteur à Nuennen et s'y installe avec sa famille.

Vincent reste à La Haye jusqu'à l'été 1883. Il y dessine et peint des paysages, des esquisses et des portraits de gens du peuple, Sien et le nouveau-né. Vincent rencontre le peintre H. J. van der Weele et devient son ami. Au printemps, ils peignent ensemble dans les dunes de Scheveningue. Vincent continue à lire beaucoup de livres, mais aussi des revues comme "Harper's Weekly' et " Graphic". Pour répondre au souhait de Théo et persuadé que la vie commune avec une famille n'est pas conciliable avec son évolution artistique Vincent décide de se séparer de Sien et de partir pour la Drenthe, au Nord de la Hollande : "je suis en proie à une grande tristesse à cause de la femme et des enfants, mais c'est la seule solution".

Le 11 Septembre 1883, il s'installe dans les marécages de Hoogeveen. Le paysage l'impressionne, cette plate région de tourbières, de prairies rases, de bruyères et de canaux, mais encore de misère. Vincent dessine et peint aussi les paysans de la région en train de vaquer à leurs durs travaux. Chaque jour il sort dessiner, torturé par le remords et la tristesse, mais il est emporté par la peinture qui "va de pair avec la peine, les soucis, les déceptions, les heures de mélancolie, d'impuissance et tout ça.". En décembre, Vincent, qui vit mal sa solitude, part rejoindre ses parents à Nuennen où il reste jusqu'en novembre 1883. Il y peindra près de 200 peintures ainsi que de nombreux dessins et aquarelles, oeuvres aux coloris sombres, terreux.

Vincent s'intéresse à l'art des peintres français Delacroix et Eugène Fromentin (1820-1876) et est persuadé qu'il existe une étroite relation entre la couleur et la musique, surtout celle de Richard Wagner. C'est pourquoi il prend des leçons de piano et de chant. Lorsque sa mère se casse une jambe en descendant du train et doit rester longtemps alitée en janvier 1884, il la soigne affectueusement et lui offre le dessin de la petite église protestante entourée d'arbres. Le sacristain catholique lui loue deux pièces dans sa maison en mai où il installe son atelier. Son ami van Rappard vient lui rendre visite pendant dix jours. Il est accompagné par la fille d'une voisine, Margot Begemann* dans ses travaux. Elle lui avoue son amour auquel Vincent hésite tout d'abord à répondre puis décide de l'épouser. Leurs parents respectifs s'y opposent violemment. Margot tente de s'empoisonner, ce qui l'ébranle énormément. Le joaillier d'Eindhoven, Charles Herman lui commande six tableaux décoratifs pour sa salle à manger en Août - Septembre et en Octobre Vincent reçoit à nouveau van Rappard pendant dix jours. Il donne des cours à des peintres amateurs (octobre-novembre) dont le tanneur Kerssemakers qui devient rapidement son ami. En décembre, il abandonne les motifs qu'il vient de peindre pendant des mois (paysans, tisserands...) et projette de réaliser cinquante études de têtes au cours de l'hiver.

Le 26 mars 1885 Theodorus, son père est emporté par une attaque. La peine de Vincent est profonde malgré leurs rapports difficiles. Après une querelle avec sa sœur Anna, il s'installe complètement chez le sacristain Schafrath ne souhaitant "que de vivre au cœur du pays et de peindre la vie des paysans". Il commence alors une toile représentant "des campagnards autour d'un plat de pommes de terre, le soir" Les "Mangeurs de pommes de terre" deviendra l'œuvre principale de sa période hollandaise. Il envoie la toile à Théo à Paris et une lithographie à van Rappard. Le commentaire de ce dernier est sévère ce qui met Vincent tellement en colère que c'est la fin de leur amitié. Avec son ami Kerssemakers, Vincent part en voyage à Amsterdam et visite le Rijksmuseum où il admire avant tout les oeuvres de ses compatriotes hollandais Rembrandt et Franzs Hals. En Novembre 1885, il part pour Anvers. Il est impressionné par Rubens, dont il se fait expliquer la technique, ce qui l'incite à choisir des couleurs plus fortes et plus brillantes sur sa palette. En Janvier 1886, il s'inscrit à l'école des Beaux-arts et suit les cours de la classe de peinture et de dessin de Verlat et de Vink. Malheureusement son corps ne tolère pas le rythme qu'il lui impose (surmenage, mauvaise alimentation et abus de tabac) et il est malade pendant presque tout le mois.

A la fin du mois de février, il décide d'aller s'installer à Paris, afin de prendre des leçons auprès de Cormon* (1845-1924). Il arrive donc le 20 février, sans avoir prévenu son frère, à qui il donne rendez-vous dans le Salon carré pour lui annoncer son souhait de s'installer auprès de lui. Théo loge son frère dans un petit appartement au pied de la butte Montmartre, rue Laval (rebaptisée depuis Victor Massé). Dès les premières semaines, Vincent découvre la peinture des impressionnistes. "A Anvers, je ne savais même pas ce que c'était que les impressionnistes ; maintenant je les ai vus et bien vus, et bien que ne faisant pas partie de leur club, j'ai beaucoup admiré certains de leurs tableaux". Par l'intermédiaire de Théo, il fait également la connaissance des impressionnistes Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Alfred Sisley, Camille Pissarro, Edgar Degas, Paul Signac et Georges Seurat, et de leur peinture. Il se lie d'amitié avec Pissarro (1831-1903) et avec un de ses fils Lucien (1863-1944). Fernand-Anne Piestre, dit Cormon, est régulièrement médaillé au salon, depuis 1870. Les élèves se pressent dans son atelier réputé. En avril-mai, Vincent y étudie et y fait la connaissance de ses confrères John Russell (1858-1931), Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) et Émile Bernard (1868-1941).

Sous l'influence des impressionnistes le coloris de ses natures mortes et de ses tableaux de fleurs devient plus clair et plus vivant : "j'ai peint une série d'études de couleur, simplement des fleurs, coquelicots rouges, bleuets, myosotis : des roses blanches et roses, des chrysanthèmes jaunes ; cherchant des oppositions de bleu avec l'orange, de rouge avec le vert, de jaune avec le violet, cherchant des tons rompus et neutres pour harmoniser la brutalité des extrêmes, essayant de rendre des couleurs intenses, et non une harmonie en gris. J'ai fait aussi une douzaine de paysages franchement verts ou franchement bleus... le vrai dessin c'est le modelé avec la couleur." En Mai la mère de Vincent et sa sœur Wil* quittent Nuenen pour Breda, et en juin c'est au tour de Théo de s'installer au N° 54 de la rue Lepic à Montmartre. Vincent s'y aménage un atelier, où il peint les toits de Paris depuis Montmartre, les arbres de la terrasse des Tuileries... dans un style pointilliste. En hiver il se lie d'amitié avec Paul Gauguin*(1848-1903). Il fréquente le magasin du marchand de couleurs Julien "père" Tanguy* (1825-1894) où il retrouve certains de ceux qui travaillent à l'atelier Cormon : Émile Bernard, Louis Anquetin, John Russel et Toulouse-Lautrec. Peu à peu, Vincent reprend à son compte les thèmes chers aux impressionnistes.

Ses rapports avec Théo se gâtent. Celui-ci écrit même à sa sœur Wil que la vie commune est "presque insupportable". Au printemps 1887 Vincent expose avec E. Bernard, P. Gauguin et Toulouse-Lautrec dans un restaurant populaire à la Fourche, puis dans un cabaret du boulevard de Clichy : Le Tambourin. Leur groupe s'appelle les "peintres du petit boulevard" par opposition aux "peintres du grand boulevard" (Monet, Sisley, Pissarro, Degas, Seurat) qui exposent dans la galerie de Théo. Vincent peint son célèbre "autoportrait devant le chevalet"*, achète des estampes japonaises chez Bring, dont il couvre les murs du Tambourin, et peint lui-même des japonaiseries. Lorsqu' Agostina Segatori*, qui gère le Tambourin, met fin à leur brève liaison il doit forcer la porte du cabaret pour récupérer ses toiles. A l'automne, Vincent fait la connaissance de Seurat avec qui il expose des tableaux dans la salle de répétition du "théâtre libre".

Brusquement, en février 1888, à peine arrivé à Paris, Vincent part. Théo et lui rendent visite à Seurat à son atelier, puis il prend le train. Il arrive en Arles, couverte de neige, le 20 février 1888. Il loge tout d'abord à l'hôtel restaurant "Le Carrel". Le lendemain, il écrit à Théo et lui décrit le pays qu'il découvre "et les paysages de neige avec les cimes blanches comme un ciel aussi lumineux que la neige, étaient bien comme les paysages d'hiver qu'ont fait les japonais". Le rêve de Vincent est de créer un phalanstère. Son unique compagnon pendant deux mois est le peintre danois Christian Mourier-Petersen (1858-1945). Une lettre de sa sœur Wil lui apprend la mort de Mauve. Aussitôt, il écrit sur la toile qu'il rapporte "Souvenir de Mauve"*. Grâce à Théo, trois toiles de Vincent sont présentées au Salon des Indépendants : "romans parisiens","la butte Montmartre" et "Derrière le moulin de la Galette". Il profite de la saison de la floraison des arbres pour peindre dans les vergers. Le peintre américain Dodge Mac Knight (1860-1950), ami de Russel, lui rend visite. Il cesse de peindre pendant plusieurs jours à cause de son estomac malade et d'une rage de dents.

En mai, Vincent loue l'aile droite de "la maison jaune"* de la place Lamartine. Il loge au café de la gare, chez les époux Joseph et Marie Ginoux, qui deviennent ses amis, en attendant de pouvoir se meubler. Sa santé s'améliore et en juin, il passe cinq jour aux Saintes-maries de la mer* ou il découvre la Méditerranée et peint des tableaux de bateaux sur la plage, du village... Il rencontre Paul-Eugène Millet*, sous-lieutenant des zouaves, à qui il donne des leçons de dessin ; et par l'intermédiaire de Mac Knight, le peintre Eugène Boch* (1855-1941). Gauguin, qui était endetté et malade à Pont-Aven, accepte de venir le rejoindre. Vincent est certain qu'ensemble ils peuvent faire "un pas en avant". Mais Gauguin tarde à venir... En juillet, il fréquente Boch*, qui habite temporairement Fontvieille. Le 28 juillet son oncle Vincent meurt à Prinsenhage, près de Breda. Au mois d'août il se lie d'amitié avec le facteur Joseph Roulin*, qui lui rappelle le père Tanguy, et dont il peindra plusieurs portraits. Il réalise une série de tournesols, dont il compare le jaune éclatant à l'effet des vitraux dans une église gothique, pour décorer son atelier.

En octobre 1888, Gauguin arrive enfin en Arles. Sa présence rassure l'inquiet qu'est Vincent. Ils peignent ensemble et devant les mêmes motifs, leurs toiles se répondent ; "La vigne rouge" de Vincent est l'écho de "misères humaines ", "femmes dans la vigne" ou des "vendanges" de Gauguin. Madame Ginoux a la même pose dans "l'arlésienne"*de Vincent et "au café"* de Gauguin. Les deux peintres travaillent et discutent sans relâche, Gauguin peint Vincent* qui peint les tournesols. Mais très vite leurs discussions à propos des oeuvres, d'une "électricité excessive", virent à l'affrontement et leurs rapports se détériorent. Le 23 Décembre 1888, après le dîner, Gauguin, sorti marcher seul dans la ville, entend derrière lui des pas rapides, et se retourne au moment où Vincent se précipite sur lui un rasoir à la main. Gauguin décide de dormir à l'hôtel et durant la nuit Vincent, pris d'une crise de démence, se coupe le lobe de l'oreille gauche et va l'offrir enveloppé dans un papier journal à Rachel, prostituée dans une maison close. La police alertée, le retrouve au petit matin chez lui, évanoui par la perte de sang. Il est admis à l'Hôtel Dieu où il est soigné par le docteur Félix Rey*. Gauguin prévient Théo qui arrive de Paris en toute hâte. Vincent reçoit les visites de Madame Ginoux et des Roulin... On suppose que son mal est dû à l'épilepsie, à l'alcoolisme et à la schizophrénie, mais après quelques jours critiques, son état s'améliore.

En janvier 1889 Vincent écrit une lettre à Théo, lui annonçant qu'il va mieux et ajoute au verso à l'attention de Gauguin : "je vous souhaite la prospérité". Il retourne dans la "maison jaune" le 7 janvier, pressé de retrouver la peinture et adresse des lettres rassurantes à sa mère et sa sœur Wil. Après sa sortie de l'hôpital Vincent se retrouve sans argent et seul : Gauguin est parti et Roulin son seul ami lui annonce qu'il part pour Marseille. Théo se fiance avec Johanna Cesina Bonger* (1862-1925) dite Jo, la sœur de son ami Andries Bonger*. Vincent est envahi par la solitude et ne veut que peindre : "Écoutez laissez moi tranquillement continuer mon travail, si c'est celui d'un fou tant pis. Je n'y peux rien alors.". Il peint deux autoportraits à l'oreille bandée, le portrait du docteur Rey* pour le remercier de ses soins, et reproduit les tournesols et la berceuse, pour laquelle Marie Roulin avait posé avant son départ mais le 7 février, il est de nouveau interné à l'Hôtel Dieu pour insomnie et hallucinations et en mars une pétition est adressée au maire, par laquelle trente voisins obtiennent qu'il soit enfermé à l'hôpital, prétendant qu'il risque de devenir un danger pour le voisinage. On l'appelle "le fou roux" et on l'isole dans une cellule puis les scellés sont posés sur la "maison jaune".

Le 23 mars, Signac passe voir Vincent à l'hôpital, et obtient la permission de l'emmener avec lui dans la "maison jaune" pour y peindre, mais il a un nouvel accès de folie et tente d'avaler de l'essence de térébenthine. Signac le ramène précipitamment à l'hôpital. On lui permet d'y apporter tout le matériel dont il a besoin pour peindre. Théo épouse Johanna à Amsterdam; Vincent lui écrit "si je devais rester pour de bon dans un hospice, je m'y ferais et je crois que je pourrais y trouver des motifs à peindre aussi". Le 2 mai, il expédie deux caisses de toiles à Théo. Le 8 mai, il se rend lui-même à l'asile pour aliénés mentaux Saint-Paul de Mausole*, près de Saint-Rémy de Provence, en compagnie du pasteur Salles qui s'occupe de lui depuis longtemps déjà. Il renonce à vivre seul ; il n'en a pas la force. Il fait vider la "maison jaune", les Ginoux remisent ses quelques meubles au café de la gare. Le docteur Théophile Peyron (1827-1895) diagnostique une épilepsie et l'autorise à peindre en plein air sous la surveillance de l'infirmier Georges Poulet. Dans l'asile, deux chambres* contiguës lui sont réservées, l'une lui servant d'atelier, l'autre où il s'installe, "à papier gris-vert avec deux rideaux vert d'eau à dessin de roses très pales, ravivés de minces traits de rouge sang".

Aussitôt installé, Vincent se met à peindre des fleurs d'iris violets et un buisson de lilas, puis il réalisera plusieurs tableaux et dessins du jardin et du parc de l'asile. N'ayant plus de modèle, il reproduit des oeuvres de Millet, Delacroix, Rembrandt, Doré ou parfois ses propres toiles comme Madame Ginoux ou sa chambre. En juin, il confirme à Théo qui s'inquiète, qu'il mange et dort mieux et que le travail ne lui pèse pas, mais au contraire le distrait. On l'autorise même à peindre à l'extérieur du domaine de l'asile. Mais le 7 juillet, alors qu'il se rend au village, accompagné par le surveillant général Charles Elzéard Trabuc*, pour y récupérer huit de ses toiles, le flot d'émotions nouvelles le rend à nouveau faible et malade : la veille, Johanna lui avait annoncé qu'elle était enceinte de Théo, et souhaitait qu'il soit le parrain du bébé. Ayant eu un nouvel accès pendant qu'il peint à l'extérieur, il doit rester dans l'établissement pendant six semaines et on lui refuse d'entrer dans son atelier, car il a avalé des couleurs toxiques pendant sa crise. Il ne cesse de répéter qu'il ne peut guérir qu'en travaillant, et n'admet pas de devoir demander l'autorisation de peindre.

En septembre, "Les iris" et "La nuit étoilée"* sont présentées au salon des indépendants. Le nord lui manque et Théo envisage son retour à Paris ou dans les environs. Pissarro suggère à Théo d'amener Vincent à Auvers sur Oise. Il y connaît bien un médecin, le docteur Paul Gachet*, lui-même peintre et graveur à ses moments perdus. Il est l'ami de tous les impressionnistes. Veuf, il vit avec ses enfants et accepterait peut-être de le recueillir. En novembre, Octave Maus (1856-1919), secrétaire du groupe d'artistes "Les XX" invite Vincent à participer à une exposition à Bruxelles au huitième salon qu'il organise, aux cotés de Cézanne, Renoir, Signac, Toulouse-Lautrec.... Vincent accepte et enverra six toiles le 30 novembre. En décembre il envoie à Théo de nombreux tableaux, certains pour sa mère et Wil, qui déménagent pour Leyde. Il continue à peindre en plein air et le père Tanguy expose plusieurs de ses oeuvres dans son magasin à Paris. Subitement le 24 décembre, il est sujet à une violente attaque qui dure une semaine et au cours de laquelle il tente de nouveau de s'empoisonner en suçant ses tubes de couleur.

Le 18 janvier 1890, l'exposition des "XX" est ouverte à Bruxelles avec les six tableaux choisis par Vincent. Toulouse-Lautrec provoque en duel un autre peintre qui a dénigré Vincent. Le critique d'art Albert Durier écrit le premier article enthousiasmé qui paraît dans le "Mercure de France" sous le titre "Les isolés - Vincent Van Gogh". Le 19 janvier, il va rendre visite à Madame Ginoux, malade en Arles et deux jours plus tard, une nouvelle crise l'assaille pendant une semaine. Le 31 janvier naît à Paris Vincent Willem Van Gogh, son neveu (qui vivra jusqu'à 88 ans) et en février, Vincent lui dédie "Branches fleuries d'amandier". La sœur d'Eugène Boch achète son tableau "La vigne rouge" pour 400 francs ( certainement le seul tableau vendu de son vivant ). En mars il est représenté par six tableaux au Salon des indépendants. En avril, Vincent s'occupe pendant sa maladie, avec des souvenirs de sa patrie, le Brabant. Monet considère les tableaux de Vincent comme "les meilleurs de l'exposition".

Le 17 mai 1890, Théo attend Vincent sur le quai de la gare de Lyon à Paris puis ils se rendent au 8 cité Pigalle, où il loge avec sa femme et son fils*. Johanna est surprise par la taille, la vigueur et le calme de son beau frère. Quelques-un de ses tableaux sont accrochés dans l'appartement. Le lendemain ils vont rendre visite à Tanguy chez qui sont conservés de nombreux tableaux de Vincent, et visitent au Salon du Champ de mars une exposition de peintres, qui avec Meissonière, se sont séparés du vieux salon. Vincent ne souhaite pas rester dans la capitale, trop bruyante et s'installe à Auvers sur Oise, à 30 Km de Paris. Il emménage chez les Ravoux*, place de la Mairie où il recommence à peindre et à dessiner avec zèle des portraits : le Dr Gachet, sa fille Marguerite et son fils Paul ainsi que des paysages, des vignes et des scènes villageoises. Il semble définitivement guéri. Le peintre Hollandais Anton Matthias Hirschig (1867-1939) loue la chambre contiguë à celle de Vincent. Il reprend sa correspondance avec Gauguin.

Le neveu de Vincent tombe malade et Johanna est épuisée par les veillées. De plus Théo a de gros soucis à cause de son emploi, de sa situation financière et du problème de logement. Il explique à Vincent ses problèmes financiers : il ne pourra plus lui verser régulièrement de l'argent. Vincent réalise qu'il est une charge pour son frère. Il rencontre Toulouse-Lautrec et le critique d'art Aurier, mais il est si excité qu'il rentre à Auvers. Attristé, il continue à peindre. Il écrit à sa mère et à Wil qu'il se sent beaucoup plus calme que l'année précédente.

Le 27 juillet au soir, Vincent d'ordinaire ponctuel, rentre très tard et rejoint directement sa chambre. On le retrouve étendu sur son lit baignant dans son sang. Il avoue qu'il s'est tiré une balle dans la poitrine. Le Dr Gachet Et le Dr Mazery ne peuvent extraire la balle qui est passée sous le cœur. Le lendemain, Théo est prévenu. Vincent passe la journée assis dans son lit en fumant sa pipe. Le 29 juillet à 1 heure 30 Vincent Van Gogh meurt en présence de Théo qui retient ses derniers mots : " je voudrais que ce soit fini". Le Dr Gachet le dessine sur son lit de mort*. Le curé d'Auvers refuse l'office des morts à un suicidé. Il est enterré le 30 dans le cimetière d'Auvers. Théo, le Dr Gachet et quelques amis parisiens l'accompagnent, E. Bernard, le père Tanguy, Lauzet, L. Pissaro, Audries Berger, Charles Laval (1862-1904). Parmi les fleurs jetées sur sa tombe : des tournesols. Le Dr Gachet, pouvant à peine parler, rappelle l'œuvre de Vincent : "C'était un homme honorable et un grand artiste. Il ne connaissait que deux buts : l'humanité et l'art. C'était l'art qu'il estimait plus que tout et qui maintenant tiendra son nom en vie.". Théo a retrouvé dans sa chambre* une lettre inachevée : "eh bien, mon travail à moi, j'y risque ma vie, et ma raison y a sombré à moitié, mais tu n'es pas dans les marchands d'hommes pour autant que je sache, et tu peux prendre parti, je le trouve, agissant réellement avec humanité, mais que veux-tu?".

Après la mort de Vincent, Théo qui aimait énormément son frère en qui il avait mis de grands espoirs dans le travail commun, est un homme brisé. Sa maladie empire. Il part se soigner en Hollande et meurt le 25 janvier 1891 à Utrecht.

En 1914 son corps sera exhumé et enterré à coté de la tombe* de Vincent dans le cimetière d'Auvers-sur-Oise.