Nicolas Poussin
1595 - 1665
Et l'antiquité
«
La nouveauté dans la peinture ne consiste pas dans un sujet encore
non vu, mais dans la bonne et nouvelle disposition et expression, et
ainsi de commun et de vieux, le sujet devient singulier et neuf. »
[ Nicolas Poussin ] |
Nicolas Poussin et l'Antiquité Malgré toutes les analyses, remarquables au demeurant, dun entourage féru dantiquité comme le conseiller Dal Pozzo (voir à ce sujet lexcellent site web de lAgora auquel nous rajoutons deux références plus récentes citées par Thuillier : Arnaud Brejon de Lavergnée - Tableaux inédits de Poussin dans la collection Dal Pozzo (Revue de lart n°19 1973) et T.J. Standring - Some pictures by Poussin in the Dal Pozzo collection, three new inventories (The Burlington Magazine CXXVII 1985) et de ses sources dinspiration littéraires et philosophiques (nous renvoyons aux ouvrage de référence publiés par le CNRS en 1960 et par Jacques Thuillier en 1994), toutes les intentions de Poussin sont loin dêtre lumineuses
Où Poussin revisite les anciens mythes crétois et béotiens... Permettons-nous lexemple inspiré de la mythologie antique du Paysage avec Diane et Orion, peint en 1658 pour Michel Passart et désormais au Metropolitan Museum of Art, au sujet duquel Jacques Thuillier (op.cit.) souligne « (quon na pas encore établi avec certitude le sens général et linterprétation des détails ». Nous acquiesçons... Sans confondre lanalyse moderne de ce mythe avec linterprétation picturale quen réalisa Poussin immergé dans la culture et lenvironnement qui étaient les siens, peut-être dautres pistes pourraient-elles être dégagées (même si, soulignons-le, le « cycle de leau » ne peut être rejeté car Orion et son chien Sirius, absent du tableau de Poussin, tenaient un rôle essentiel dans la compréhension mythique de ce phénomène prodigieux dans lantiquité quétait la crue du Nil - cf Charles Autran in Mélanges Maspéro) ?
Artémis est ici bien présente et même agissante mais elle est loin davoir la pose plus que nonchalante que lui donne Poussin. Yoshida dans son étude sur Orion indique que dans Eloge dun appartement, Lucien cite un tableau antique qui, dans ses grandes lignes, est proche de celui de Poussin sauf quArtémis en est absente et est remplacée par Héphaïstos regardant la scène depuis Lemnos. On ne sait si Héphaïstos reposait sur un nuage mais cest peu probable, habitué quil était des grottes et autres curs volcaniques. Dans les deux épisodes, Orion se caractérise par son manque de maîtrise, par une démesure que seule la « prise en mains » par la mort ou par un initiateur (Kédalion transparaît dans les textes soit comme nain, soit comme un enfant, soit comme un ouvrier, soit comme le maître dHéphaïstos. Ces acceptions ne sont pas nécessairement incompatibles dans certaines mythologies mais il faudrait se rendre dans le Caucase ou dans des mythologies indo-européennes plus archaïques...) permet de dominer. Comme le remarquait fort justement Krappe en 1928, un aveugle na aucunement besoin dun guide pour se tourner vers le soleil. Cest bien le rôle essentiel du guide spirituel qui intervient ici pour aider le géant incontrôlé à dompter et orienter sa force. Les autres piétons du tableau en ont conscience puisquils ne cèdent aucunement à la panique en voyant le géant les frôler dans sa marche. Le mythe de Saint Christophe qui a pris la succession de celui dOrion dans un monde devenu chrétien sinscrit bien dans cette lignée. Ce ne serait pas faire injure à Poussin, soucieux de hautes valeurs morales, que de donner une telle interprétation à son tableau. Mais nous sommes dans limpossibilité dindiquer les sources sur lesquelles il aurait pu sappuyer. Par contre, que vient faire Artemis dans ce tableau qui aurait pu nêtre quune histoire de mâles ?
Ou alors seul un poète peut traduire par des mots ce quun autre poète a exprimé par un tableau et nous laissons volontiers la parole à René Char dans la préface à Aromates Chasseurs : « Ce siècle a décidé de lexistence de nos deux espaces immémoriaux : le premier, lespace intime où jouaient notre imagination et nos sentiments ; le second, lespace circulaire, celui du monde concret. Les deux étaient inséparables. Subvertir lun, cétait subvertir lautre. les premiers effets de cette violence peuvent être surpris nettement. Mais quelles sont les lois qui corrigent et redressent ce que les lois qui infestent et ruinent ont laissé inachevé ? Et sont-ce des lois ? Y a-t-il des dérogations ? Comment sopère le signal ? Est-il un troisième espace en chemin, hors du trajet des deux connus ? Révolution dOrion resurgi parmi nous.» Nous aurons loccasion de revenir ultérieurement sur le mythe dOrion. Sans prétendre à égaler le travail de fond réalisé dans sa thèse par Jean-Michel Renaud (Université de Liège), nous pensons que dautres voies peuvent être empruntées |