Nicolas Poussin

1595 - 1665

Et l'antiquité ( 3)

« La nouveauté dans la peinture ne consiste pas dans un sujet encore non vu, mais dans la bonne et nouvelle disposition et expression, et ainsi de commun et de vieux, le sujet devient singulier et neuf. »
[ Nicolas Poussin ]


Nicolas Poussin et l'Antiquité

Où il est inutile de s’attarder sur la période la plus connue de Poussin

A partir de 1630, la réputation de Poussin commence à dépasser les limites de la ville de Rome. Louis XIII et le Cardinal de Richelieu vont réussir, après plusieurs essais infructueux, à le faire venir à Paris pour un court séjour de deux ans (1640-1642) pendant lequel il sera confronté à la jalousie des peintres français et plus particulièrement de Simon Vouet. Ses relations se modifient au cours des ans ainsi que sa manière de peindre. Le Cardinal Barberini s’était éloigné de lui au fur et mesure que son style devenait plus austère (cf. Haskell - Patrons & painters, Londres 1863) et il l’abandonne totalement lors de sa fuite en France à la mort d’Urbain VIII en 1644.

Poussin se spécialise alors dans les peintures de chevalet, continue de s’instruire, prend des cours de mathématiques et de sciences et travaille pour divers commanditaires parmi lesquels le fidèle Pointel, Dal Pozzo, Paul Fréard de Chantelou, parent et secrétaire de de Noyers, ce surintendant des bâtiments qui espéra un temps supplanter Mazarin après la disparition de Richelieu avant d’être disgracié. Chantelou devint ensuite Conseiller puis Maître d’Hôtel Ordinaire du Roy. Poussin travaille également pour le duc de Créquy alors ambassadeur à Rome. Charles III Créquy a possédé un certain nombre de tableaux ou de copies de tableaux de Poussin : « l’exposition de Moïse », « Sainte Famille avec Saint Jean » qu’il avait refusé, « Sainte Famille à la baignoire », « Achille parmi les filles de Lycomède », « Paysage avec des petites figures (perdu) », « Femmes au bain (perdu) ».

Le dernier Créquy laissa ses biens à son neveu, Antoine de Blanchefort, seigneur de Saint Janvrin et lui fit porter le nom, les armes et le cri des Créquy. C’est vers 1647 que Félibien fait la connaissance de Poussin et peut ainsi écrire une biographie en grande partie inspirée par celle de Bellori (Entretien sur la vie et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes. Londres, David Mortier 1705). A partir de 1648, Poussin commence à peindre des paysages et les années 1649 et 1650 sont, selon ses propres dires, celles de son apogée avec le « jugement de Salomon » et les deux autoportraits. En 1655, il fréquente l’Abbé Foucquet qui lui obtient la confirmation de son titre de Premier Peintre du Roy le 28 décembre et rêve avec lui à des projets grandioses qui nous restent celés (rappelons pour mémoire une lettre fameuse envoyée par l’Abbé à son frère, puissant surintendant des finances).

Cet Abbé Foucquet qui deviendra évêque d’Agde en 1656, exilé à Villefranche-de-Rouergue à la suite de la disgrâce de son frère Nicolas, l’année où décède Poussin, a probablement fréquenté Vincent de Paul, le Séminaire Saint-Sulpice, la Congrégation du Saint-Sacrement avant de soutenir le mouvement janséniste (et plus particulièrement, compte tenu de la proximité, Caulet, évêque de Pamiers, et Pavillon, évêque d’Alet) (cf. l’ouvrage de référence sur Louis Foucquet : Azéma - Un prélat janséniste, Louis Foucquet, évêque et comte d’Agde - 1656-1702, Paris 1963).

Poussin suit de près sa femme décédée en 1664 en s’éteignant à son tour le 19 novembre 1665 alors qu’il est dans l’impossibilité de peindre et qu’il attend la mort comme une délivrance. Il est enterré dans la petite église romaine San Lorenzo in Lucina, proche du Corso. Chateaubriand, attristé par l’état de décrépitude de la tombe, fait ériger un monument en 1829, dans l’église, comportant un buste du peintre par Lemoyne, un bas-relief représentant les Bergers d’Arcadie (2ème version), une inscription qu’il a lui-même rédigée et l’épitaphe de Bellori :

Parce piis lacrymis, vivit Pussinus in urna
Vivere qui dederat, nescius ipse mori
Hic tamen ipse silet, si vis audire loquentem
Mirum est, in tabulis vivit et cloquitur.

On connaît d’autres épitaphes sur Poussin. Une composée par l’Abbé Nicaise, chanoine de la Sainte Chapelle de Dijon et ami de Poussin, citée par Félibien :

D.O.M.
NIC. PUSSINO GALLO
Pictori suae aetatis primario
Qui ARTEM
DUM PERTINACI STUDIO PROSEQUITUR
Brevi assequutus, postea VICIT
NATURAM
Dum LINEARUM compendio contrahit
Seipsâ MAJOREM expressit
EAMDEM
Dum novâ OPTICES industriâ
Ordini lucique restituit
Seipsâ fecit ILLUSTRIOREM
ILLAM
GRAECIS, ITALISQUE imitari
Soli PUSSINO superare datum.
Obiit in URBE AETERNA XIV. Kal. Dec.
M.DC.LXV. annos natus LXXI
Ad sancti Laurentii IN LUCINA sepultus
CLAUDIUS NICASIUS Divionensis
Regii Sacelli Canonicus
Dum AMICO singulari parentaret
Veteris amicitiae memor,
MONUMENTUM hoc posuit aere perennius.

Le Père Nicaise, un proche, était absent au moment du décès de Poussin. Il fut remplacé à son chevet par le Père P. Quesnel qui l’avertit par lettre du décès. Quesnel, janséniste notoire, sera plus tard au cœur de la résurgence des idées jansénistes et, après s’être exilé à Bruxelles où il retrouvera Arnaud, s’établira définitivement en Hollande (voir la Correspondance de Quesnel avec le Cardinal Barberini, La Haye 1974 et les ouvrages de Delmont - Bossuet et Quesnel, Arras 1901 et d’Urbain - Bossuet, apologiste de Quesnel, Paris 1901).

Dans le monumental ouvrage du CNRS paru en 1960, tome II, page 238, est également citée une épitaphe autrement étonnante, non datée, retrouvée à la Bibliothèque Sainte-Geneviève et qui provient probablement des Cercles jansénistes proches du Père Quesnel .
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