Henri Matisse
(1869-1954)

MATISSE a eu dans sa vie et dans son art plusieurs périodes qui se remarquent ...

Ce mouvement s'est créé principalement autour de MATISSE ...

Son oeuvre

Le jeune Henri Matisse , agé de 26 ans, vient d'emménager au 19 quai Saint-Michel à Paris. Il contemple à loisir " les trois baigneuses " de Cézanne, une toile de Gauguin " tête de garçon"accrochée au mur , un plâtre de Rodin " le buste de Rochefort"posé sur le dessus de la cheminée auprès d' un chapeau fait par sa femme , Marguerite, dont le portrait fera scandale au salon d'automne de 1905.


La Femme au chapeau dans la cage aux fauves

"On a jeté un pot de couleur à la face du public " s'écrie "le Matin" reprenant à son compte l'expression utilisée par Ruskin en 1877, à l'occasion d'une exposition de Whistler à Londres.Nous sommes à ce célèbre salon d'automne de 1905. Les réactions explosent devant ces toiles éclatantes peintes " à tubes contre toile " selon le mot de Vlaminck. L'envoi de Matisse comprend un portrait de Madame Matisse et " la fenêtre ouverte". André Derain expose " le séchage des voile " et Georges Rouault "les Forains, Cabotins,Pitres ". Le public est intrigué par la peinture de ces jeunes artistes qui se sont déjà distingués en 1903 au Salon des Indépendants.

Matisse fait scandale. Il a ,en effet , utilisé du rouge, du vert et du jaune dans le seul visage dela femme au chapeau. Madame Matisse n'ose pas entrer visiter l'exposition, ni son plus fidèle supporter, le socialiste, Marcel Sembat.Matisse, s'écrie " la tendance dominante de la couleur doit être de servir le mieux possible l'expression ... le choix de mes couleurs est basé sur le sentiment, sur l'experience de ma sensibilité." L'écrivain Gertrude Stein et son frère Léo ne s'y trompent pas et acquièrent " la femme au chapeau" pour 500 francs avant de se lier avec son auteur.

femme au chapeau

 

La découverte du fauvisme à travers Gauguin

C'est au cours de l'été de cette même année 1905 que Matisse découvre l'oeuvre tahitienne de Gauguin à Collioure. C'est le choc. la plus grande partie des toiles sont entreposées chez Daniel de Montfreid un ami du sculpteur Maillol.Matisse en prend une vue d'ensemble. Le Gauguin de Pont-Aven et d'Arles peignait à plat sous l'influence japonaise de grandes surfaces rythmées dans des contrastes de couleurs violentes; Celui de Tahiti et des iles marquises y marie l'innocence primitive, et pose un regard particulier sur cette société originelle. Ce même été, Matisse rompt les enchaînements qui le relient jusque-là. Il n'applique plus les couleurs au motif, mais comme le souligne Pierre Schneider, "il livre le motif aux couleurs". Matisse et Derain compagnons dans cet été décisif à Collioure passent d'une synthèse des découvertes antérieures faites par Seurat, par Van Gogh et par Gauguin à une méthode radicale où l'ivresse de la couleur les entraîne vers des horizons qui frôlent "l'abstraction".

Cette visite à Collioure aura été le creuset du fauvisme. C'est là que Matisse et Derain ont exécuté leurs toiles les plus vigoureuses . en particulier cette "fenêtre ouverte à Collioure" dans laquelle Matisse opère la fusion du pointillisme de Seurat et des aplats de Gauguin . C'est la naissance d'un thème qui ne fera que s'enrichir pour devenir fondamental. Matisse emploiera la technique de Gauguin pour faire le portrait de sa femme coiffée du chapeau fleuri , cette fameuse "femme au chapeau"qui devait faire fureur au salon d'automne. Elle sera aussi reprise par Derain pour réaliser "la danse".

Femme et poissons rouges Art Institute chicago

 

Une vocation tardive : l'enseignement
sur des moulages de plâtre.

Que de chemin parcouru depuis les cours donnés par Gustave Moreau dans son atelier fréquenté par les futurs complices de l'aventure fauviste jusqu'à cette découverte de l'oeuvre de Gauguin.

Dès ses premiers tableaux , Matisse fait preuve d'une technique où l'oeuvre dite de "débutant" n'existe pour ainsi dire pas. D'emblée la composition est en place, la couleur apparaît déjà dans toute sa splendeur. Dès 1897, il peint "la desserte". Gustave Moreau, son professeur, indulgent mais excellent critique, découvre ce qu'il y a de révolutionnaire dans cet essai et déclare " Laissez-faire, ses carafes sont bien d'aplomb sur la table et je puis poser mon chapeau sur leurs bouchons. C'est l'essentiel."

Matisse n'hésite pas à se plonger dans l'étude de ceux qui lui sont proches par la sensibilité: Chardin, Watteau, Rodin, Manet et Cézanne . " Il faudrait être bien niais pour ne pas regarder dans quel sens travaillent les autres ... Il m'est arrivé d'accepter les influences. Mais, je crois avoir su toujours les dominer ." déclare-t-il. Choix qui en dit long sur les goûts artistiques de Matisse et les influences qu'il fait siennes à ses débuts .

 

La bande des fauves

"Matisse rend fou... Matisse est pire que l'absinthe" . cette inscription est portée à la craie sur les murs de Montparnasse . On soupçonne Utrillo d'en être l'auteur.

Icare 1943

Matisse, ce forcené de la couleur devient le chef de bande, la bande des fauves.... un peu à la façon dont Manet s'était vu 40 ans plus tôt porté à la tête des impressionnistes. Homme discret, bourgeois par excellence , Matisse se retrouve, en effet, promu porte-drapeau des fauves et la cible numéro un des critiques. Et pourtant, il est loin de vouloir choquer. Matisse ne songe qu'à reconstituer le paradis et à l'imposer à ces contemporains dans ce XX ème siècle voué aux massacres et aux violences. Ce n'est pas le moindre paradoxe de son oeuvre."luxe, calme et volupté" " la joie de vivre" sont placés sous le signe du bonheur arcadien des bergers et des bergères évoluant dans un Eden de rêve.

L'audace sur la figure humaine ! Les fauves l'avaient d'abord pratiquée sur eux-mêmes Vlaminck avec son portrait de Derain, Derain avec son portrait de Matisse, Matisse avec son portrait de Marquet avec aussi ceux de sa fille, Marguerite, dont l'un fit l'objet d'un échange de toile avec Picasso - les mauvaises langues insinuent, à cet effet,que Picasso l'aurait choisie pour ridiculiser Matisse auprès de ses amis.

la femme aux yeux verts

A cette époque, Matisse fait figure non seulement d'ainé - il a douze ans de plus que Derain ou Picasso mais de maître en modernisme. C'est lui qui possède l'expérience la plus riche aussi bien du cézanisme - il a achevé les trois baigneuses dès 1899 et ses oeuvres de l'été 1904 à Saint-Tropez comme "la place des lices" et "la nature morte au porron" en apportent la preuve.- que du néo-impressionisme, du pointillisme. Derain est aussi un cézanien affirmé.Mais cette influence puisée chez le maître d'Aix est recouverte par l'exaltation devant la couleur. Ses oeuvres "les trois arbres"" l'Estaque" en sont l'illustration.

Le destin du fauvisme s'achèvera deux ans après le scandale du salon d'automne de 1905. Chacun des fauves se dirigera vers d'autres horizons plus personnels. Ainsi, Marquet orientera sa peinture vers une contamination de l'impressionisme et du fauvisme . Pour Vlaminck et Derain le renoncement à l'aventure sera précèdé par une periode de recherches, au cours de laquelle un cézanisme fier donnera à leur nouvelle manière un bel accent, viril et dense. Vlaminck peindra ses paysages solidement construits dans un chromatisme qui glissera peu à peu du bleu - le pont de Chatou de 1910 - à des terres et des verts relevés de noir et de blancs livides - la maison de l'auvent de 1920 - . Derain fera un bout de chemin avec Picasso - cadaquès de 1910 -.Seuls Matisse et Dufy auront persévéré dans la direction initiale; Dufy avec sa baigneuse de 1914 , Matisse avec la danse de 1909, la conversation de 1911.

La leçon que cette bande de fauves aura donné en si peu de temps laissera des traces profondes que l'on retrouvera chez les expressionnistes allemands, chez les russes comme Malévitch et Kandinsky, chez Soutine, chez Klein, chez Tapiès jusqu'au sein de certains courants de l'art abstrait américain comme Sam Francis c'est à dire chez tous ceux qui ont cru ou qui croient sur l'impact de la couleur. " le fauvisme ce n'est pas tout, mais c'est le fondement de tout" dira Matisse à Georges Duthuit

Nu bleu -1906 Baltimore Museum
partie des mille et une nuit -1950

Les peintures florales

Matisse avait renversé la convention de cerner d'un trait le contour de l'objet ou le sujet à peindre en colorant le cerne prononcé de certains personnages. Cette fois, il s'agit de fondre ces deux pôles traditionnellement séparés: <<"Au lieu de dessiner le contour et d'y installer la couleur - l'un modifiant l'autre - je dessine directement dans la couleur, qui est d'autant plus mesurée qu'elle n'est pas transposée." Cette simplification, concluait le peintre, "garantit une précision dans la réunion des deux moyens qui ne font plus qu'un">>. Prolongeant un procédé de gravure de la ligne dans la couleur que certaines toiles permettent d'observer et qui rappelle les dernières œuvres de Gustave Moreau, la découpe pénètre physiquement, et directement dans la masse colorée. (voir aussi les peintres de fleurs)

les magnolias d'Henri Matisse
iris et mimosas d'Henri Matisse
les anémones d'Henri Matisse

 

Matisse, Picasso, le Pôle Nord et le Pôle sud

"Pan dans l'oeil de Marguerite"André Salmon prétend que le portait de Marguerite donné par Matisse à Picasso servit de cible aux visiteurs de Picasso au bateau-Lavoir qui s'exerçaient à tirer au pistolet à flèche-ventouse.

" Picasso est espagnol et moi je suis français. c'est comme si vous me demandiez la différence qu'il y a entre un pommier et un poirier. Cela se tient dans le coeur" se contenta de préciser Matisse.

Vassily Kandinski dans sa bible "du spirituel dans l'art"qui constitue les fondements théoriques de l'art abstrait opposera ainsi les deux artistes : "MATISSE : couleur, PICASSO : forme". Deux grandes tendances, un grand but."

C'est Gertrude Stein qui présenta Picasso à Matisse en 1906, juste avant le salon des indépendants. "il y avait de l'excitation dans l'air... Ce fut Matisse qui attira l'attention de Picasso sur l'art nègre juste à l'époque où ce dernier venait de terminer mon portrait ". relève Gertrude Stein en 1933. Les deux hommes se guettent, s'épient, se vouent une admiration profonde , teintée de jalousie écrit Pierre Daix dans son ouvrage sur Picasso. Ce dernier a découvert avec étonnement l'exposition des fauves au salon d'automne de 1905 où la couleur triomphe. Picasso en est au rose après le bleu qu'il vient de laisser. Il a vu "le bonheur de vivre " de Matisse acheté par les Stein et aussi l'exposition individuelle de Matisse chez Druet.Nul doute que c'est par ces nouvelles fréquentations que Picasso commence à intégrer les problématiques cezaniennes à ses propres problèmes.

A l'image de ses ainés,Picasso se lance dans une série de statues peintes sur ses toiles. Matisse simplifie les volumes de ses sculptures " la petite Tête, la grande figure décorative". Derain comme l'a montré Jean Laude porte une double réflexion sur le cézanisme et l'art nègre et y découvre une parenté,notamment sur le constructivisme et la forme structurale ; Ce lien permettra de renouveler la peinture et la sculpture.

Au cours de leurs cheminements différents et en confrontant leurs travaux et leurs réflexions ,ces trois peintres vont oser rompre les liens qui unissent leur peinture à l'art imitatif . Une émulation entre eux va alors se créer . Il va en sortir "le nu bleu, souvenir de Biskra" de Matisse , " les baigneuses " de Derain, et " les demoiselles d'Avignon" de Picasso. Auparavant, Matisse avait peint " le bonheur de vivre " reflet total de Gauguin pour les couleurs mais aussi d'Ingres pour la composition. Cette oeuvre est considérée comme l'une des sources de l'Art du XX ème siècle, au même titre que" les demoiselles d'Avignon".

Le" le bain turc " d'Ingres avait influencé Matisse dans sa composition du "bonheur de vivre"; "les demoiselles d'Avignon " considéré comme la première peinture cubiste s'est inspiré de l'oeuvre de Matisse et de celle de Derain.

demoiselles d'Avignon de Picasso
les baigneuses de Derain

Ainsi, Matisse et Picasso , à des titres divers, puisent dans un terreau si riche que leurs styles opposés peuvent s'en nourrir. L'un celui de Piccasso, donnant naissance au cubisme; L'autre, celui de Matisse, évoluant vers une construction plus synthétique, un emploi des aplats colorés, une tendance vers la synthèse géométrique.Son art cesse d'être seulement au service de la sensation pour devenir un art de réflexion. Cependant , il lui restera toujours un vieux fonds de Fauvisme.

Matisse, Picasso , deux grands rivaux qui ont joué le plus grand rôle dans la peinture du XX ème siècle. L'un , le chantre de la couleur faisant écho à l'autre, le briseur de formes.