Francisco Goya
1746 _ 1828
Les estampes de Goya

La Biblioteca Nacional d'Espagne ......conserve l’une des collections les plus vastes du monde d’Estampes de Goya et sans doute la plus riche en épreuves rares et uniques. Son ampleur permet d’étudier et de comparer les multiples éditions des planches réalisées pendant près de deux siècles, en utilisant différents papiers et encres et l’incidence des estampages successifs sur les planches originales. Ce remarquable ensemble d’oeuvres d’une qualité et d’une rareté extraordinaire permet d’autre part une analyse très approfondie des processus créatifs et techniques de l’artiste aragonais. Les oeuvres d’art ici réunies, provenant toutes des fonds de la Bibliothèque Nationale, prétendent, en premier lieu, offrir une vision panoramique, variée et représentative des gravures et lithographies de Goya. Un effort a également été fait pour les situer dans le contexte de sa vie et de l’art de son temps et suggérer ses affinités avec d’autres grands artistes graveurs antérieurs, espagnols et étrangers.

L’oeuvre graphique que Goya exécuta tout au long de sa vie (près de mille dessins et estampes) constitue, sans aucun doute, l’une des facettes les plus importantes de son oeuvre. Plus de deux cents cinquante ans après la naissance de l’artiste, l’originalité de ses images, la qualité de sa technique, la modernité et l’actualité de ses approches continuent à fasciner quiconque les contemple avec attention. En outre, les gravures et les lithographies de Goya ont représenté un véritable défi pour tous ceux qui ont consacré leurs efforts, voire leur vie, à en comprendre l’intention et la signification, ainsi qu’à les documenter et les dater correctement. Sur la web, on essaie de montrer au grand public plus de trois cents oeuvres d’une qualité et d’une beauté véritablement exceptionnelles, provenant des fonds de la Bibliothèque Nationale.

Introduction aux estampes de Goya :
Les désastres de la guerre (1810 - 1815)

On a traditionnellement divisé cette série ainsi :
une gravure introductive (1),
quarante-six dédiées aux horreurs de la guerre (2 à 47),
dix-sept sur les scènes de famine à Madrid (48 - 64)
et enfin seize gravures allégoriques appelées Caprices emphatiques (65 - 80)
auxquelles il faut ajouter les trois gravures non publiées dans la première édition.

La première gravure, Tristes présages de ce qui doit arriver (Tristes presentimientos de lo que ha de acontecer), montre une silhouette agenouillée et suppliante, pathétique représentation de l’homme sans défense face aux événements terribles qui vont avoir lieu.
Les horreurs de la guerre (2 à 47)
Les scènes consacrées aux horreurs de la guerre sont peut-être les plus déchirantes et les plus originales de l’ensemble. Goya ne se rapporte pas à des événements historiques précis, ne fait pas le portrait de personnages réels, sauf peut-être dans la gravure n°7 "Quel courage" (Que valor!.) qui fait peut-être allusion au comportement héroïque d’Augustina d’Aragon lors de la défense de Saragosse.

Le protagoniste des autres images, c’est la masse anonyme des soldats français, des guerilleros espagnols et le peuple victime des uns et des autres. Pour la première fois dans l’histoire, l’artiste met au premier plan la brutale réalité de la guerre. La distance qui ennoblissait les actes guerriers, qui les rendait héroïques, qui les situait dans le futur historique disparaît. À présent, tout manque de sens.

La guerre n’est que le cadre propre à laisser les plus bas instincts humains se déchaîner : le pillage, le viol, la torture, l’assassinat se succèdent dans un terrible crescendo dont le sommet est atteint dans les gravures 37, Voilà le pire (Esto es peor.) et 39, Grand exploit avec des morts (Grande hazaña! Con muertos!) où des scènes de cadavres empalés et mutilés atteignent les sommets de l’horreur.

Le résultat, ce sont d’atroces tas de cadavres (16 - 18 - 22 - 23 - 27) devant lesquels nous ne pouvons que vomir (12), puisque C’est pour cela que vous êtes nés (Para eso habeis nacido.) Même les actes de charité qui amènent quelque consolation dans les plus dures des guerres (6 - 20 - 24 - 25) perdent de leur signification avec les commentaires cyniques et amers de Goya : (C’est bien fait pour toi, Les soigner et passer à autre chose, Ils pourront encore servir.)

 

La famine à Madrid (48 à 64)


À partir de la gravure 48 se développent des scènes de famine à Madrid, même s’il n’y a pas d’allusions précises à des lieux de la ville. Goya à nouveau étend et généralise à l’ensemble du pays l’effrayante famine qui désola la capitale en 1811 et 1812.
De pathétiques scènes de mendicité (48 - 49 - 51) alternent avec des cadavres qui gisent en pleine rue (50 - 51 - 53 - 58 - 60), jusqu’à leur transfert dans les cimetières (56 - 63 - 64). Une forte critique contre le manque de solidarité des puissants face à leurs voisins misérables… qui sont d’une autre lignée se fait jour aussi.

Les Caprices emphatiques (65 à 80)

Dans les seize dernières gravures, le langage de Goya va vers un sens symbolique qu’il n’est pas toujours facile d’interpréter.
Il s’agit de ce qu’on nomme les Caprices emphatiques, à partir de l’album de Céan .
Les premières (66 - 67 - 68) semblent avoir un sens anticlérical, une critique du culte des images et des reliques, bien qu’il ne faille pas exclure d’autres significations.

La gravure 69 " Rien, C’est ce qu’il dira " (Nada. Ello dirá.) que Goya avait peut-être pensé être la dernière de la série, est une clef de compréhension de l’ensemble.

L’image du squelette qui sort de la tombe avec un papier dans la main où il est écrit "rien" peut être interprété comme un symptôme de l’incrédulité religieuse, ou, comme nous le croyons plus justement, comme le message qui résume et explique les atroces événements décrits ci-dessus. La douleur, la souffrance ont été inutiles. La destruction et la mort n’ont en rien servi à la régénérescence de l’Espagne.

Les gravures 70 - 79 semblent se rapporter directement aux luttes entre les libéraux et les absolutistes lorsque la guerre prit fin et lors du triomphe final de Ferdinand VII et de sa " camarilla ". Les nouvelles classes dirigeantes ne savent où aller et leurs intérêts s’opposent au bien de tous.

Elles sont représentées par des vampires (72) des chats (73, Gatesca pantomima.) , des âmes (74) ou des êtres monstrueux (71 - 75, El buitre carnívoro.), images influencées par l’oeuvre Gli Animali Parlanti du poète satyrique italien Giovanni Battista Casti, publiée en 1802.

Les dernières estampes

Les deux dernières gravures forment un diptyque qui essaie d’introduire un peu d’espoir dans cette série désolante.


La vérité, c’est-à-dire la liberté constitutionnelle est morte (79, Murió la Verdad.) mais il reste l’espoir qu’elle ressuscite (80, Si resucitará ?).

Un contraste similaire entre une image positive et une autre négative est établi à travers les deux gravures supplémentaires : la guerre, Monstre sauvage (81) et la paix, Voilà ce qui est vrai (82).

Le peintre espagnol Francisco de Goya a vécu les dramatiques événements qui ont marqué le soulèvement contre les troupes françaises en 1808.
De 1810 à 1815, il les a décrits dans 82 estampes intitulées Les désastres de la guerre. Hugo ne les découvrit qu'après leur publication en 1863.
Vous pouvez en lire le descriptif , puis les regarder sur le site de la Bibliothèque nationale d'Espagne.