Edgar Hilaire Germain De Gas

1873 / 1917

"le maitre du contre-jour"

Sa vie Ses oeuvres

Introduction :
Références Légende
Les années de formation
Le réalisme
Les années impressionnistes
Des orgies de couleurs
Les dernières années

Peintre français (Paris, 1834 - 1917).


À la tête, avec Manet, du mouvement impressionniste, le «peintre des danseuses», mais aussi des modistes, des champs de courses et des cafés, suscite l'admiration de ses contemporains et le respect des jeunes artistes de son temps, ce qui ne l'empêche pas d'affirmer sa vie durant un solide principe d'indépendance et un goût profond pour la modernité.


Étudiant assidu de la peinture ancienne et moderne – il possède des œuvres signées le Greco, Ingres, Delacroix, Corot, Courbet, Manet, Gauguin, Cézanne –, Edgar Degas est aussi l'artiste exigeant dont Odilon Redon pourra dire: «C'est sur lui que se discutera toujours le principe de l'indépendance... Degas aurait droit à son nom inscrit au haut du temple. Respect ici, respect absolu.» En un demi-siècle d'activité, il réalise quelque 2 000 tableaux et pastels, 74 sculptures, plus de 200 monotypes, 68 gravures et des centaines de dessins. Mais cet artiste doué, qui, né dans une famille aisée, bénéficie de la meilleure formation, ne serait pas Degas sans la formidable crise des années 1870, qui l'amène à rompre avec Ingres et ses disciples pour se consacrer à des recherches entièrement originales qui feront de lui un phare pour les générations à venir.

Les années de formation

Depuis sa naissance, le 19 juillet 1834, Edgar de Gas, l'aîné des cinq enfants d'un banquier, est destiné à faire carrière dans la finance. Il suit des études classiques au collège Louis-le-Grand, à Paris, obtient son baccalauréat ès lettres, puis s'inscrit à la faculté de droit. Mais Edgar, qui se passionne pour le dessin et la peinture, consacre tous ses moments libres à l'étude des maîtres anciens au musée du Louvre et au cabinet des Estampes de la Bibliothèque impériale. À vingt et un ans, il délaisse le droit et entre à l'École des beaux-arts, où il s'inscrit dans l'atelier de Louis Lamothe, un peintre académique proche d'Ingres. Son père suit d'un œil intéressé, parfois critique, ses débuts dans la peinture. Pour mieux se préparer au prix de Rome, il s'embarque pour l'Italie, pays d'origine de sa famille paternelle, où il séjourne pendant trois ans. Il copie les tableaux des musées, suit les cours du soir à la villa Médicis et fait la connaissance de quelques peintres. Parallèlement à ses études d'après les maîtres anciens, il peint des portraits posés par ses proches. Il commence en 1858-1859 un grand tableau à la manière de Holbein ou de Van Dyck, représentant son oncle, sa tante et leurs deux fillettes, la Famille Bellelli, chef-d'œuvre de ces années de formation. Vers 1860, il peint des portraits proches du linéarisme d'Ingres et des sujets historiques (Sémiramis construisant Babylone, 1861).
Le réalisme

De retour à Paris, Degas entame véritablement sa carrière de peintre. Encore inconnu du public, des amateurs et des marchands, il vit de la confortable pension que lui verse son père. Il loue un atelier dans le IXe arrondissement, dont il ne s'éloignera plus guère de toute sa vie; il y fréquente le café de la Nouvelle-Athènes. En 1865, il expose pour la première fois au Salon, avec Scène de guerre au Moyen Âge, un tableau d'inspiration historique. Il abandonne bientôt ce genre pour se tourner vers des sujets modernes: courses de chevaux, spectacles d'opéra, ballerines. Il est fasciné par la «scandaleuse» peinture de ses contemporains Courbet et Manet. Au café Guerbois, il se joint aux réunions d'un groupe d'artistes: Monet, Astruc, Bracquemond, Bazille, Fantin-Latour, Renoir, Cézanne, Pissarro. Très vite, Degas apparaît, avec Manet, comme le chef de file d'une nouvelle école esthétique qui, après la guerre franco-prussienne, se constitue en association d'artistes afin d'organiser des expositions sans jury. Degas embrasse donc la cause du réalisme et, en 1872-1873, au cours d'un voyage à La Nouvelle-Orléans, berceau de sa famille maternelle, formule son projet artistique: «Rendre le mouvement naturaliste digne des grandes écoles.» De ce séjour date un tableau d'une pénétrante vérité, le Marché du coton, aussi appelé Portraits peints dans un bureau.

Edgar Degas : le Bureau du coton à la Nouvelle-Orléans

Les années impressionnistes

Mais, bientôt, Degas se tourne, comme Manet, vers une voie picturale divergente: la première exposition du groupe, surnommé «impressionniste» par le critique Louis Leroy, se tient dans l'atelier du photographe Nadar, en avril et mai 1874. L'événement fait scandale. La presse blâme les artistes de ne traduire que des impressions visuelles superficielles, sans se soucier des règles académiques de composition et d'harmonie de couleurs. Leurs toiles apparaissent comme inachevées, leurs couleurs, d'où sont exclus les noirs et les ombres grises, comme stridentes et artificielles. Ignorant les critiques, Degas s'engage de plus en plus profondément dans ses recherches, multipliant les expérimentations techniques. Il travaille avec des bâtons de pastel secs ou mouillés pour obtenir des effets fondus ou avec des pigments purs qu'il fixe sur le papier à l'aide d'une brosse trempée dans une solution d'eau et de colle. Il aime l'aspect velouté et opaque de ces matières, leur caractère souple et vivant, qui conserve la facture gestuelle. Le pastel et la gouache permettent de traduire des impressions visuelles spontanées. Ils s'opposent au travail plus élaboré de la peinture à l'huile. Dans ses tableaux, en effet, Degas laisse souvent visible le travail de la main, la trace des coups de pinceau chargé d'une matière très fluide, presque diaphane. Ne se souciant pas de donner a priori à ses toiles un aspect fini et léché, il s'attache à traduire en quelques traits et surfaces colorées le caractère essentiel de son motif. Seuls ses portraits sont travaillés de manière réaliste. Sa famille et ses amis posent pour lui. En raison des liens affectifs étroits du peintre avec son modèle, ces portraits expriment une profonde vérité psychologique. Dans les scènes de groupe, Degas s'attache à un nombre restreint de sujets: repasseuses, courses de chevaux (Avant le départ, 1862), ballets (la Classe de danse
, 1874; Danseuse à la barre, 1880). Son faible intérêt pour le paysage le distingue des autres impressionnistes, amateurs de sujets de plein air. Les scènes à plusieurs personnages sont prétextes à des recherches de compositions inédites, où le motif apparaît tronqué, souvent coupé en deux, décentré ou asymétrique. Degas cherche ainsi à fixer, comme dans un instantané photographique, un fragment de la réalité. Cette vision spontanée est paradoxalement le résultat d'une élaboration complexe. Degas multiplie les croquis sur le vif et met en place sa composition finale en atelier. On ne compte plus, par exemple, les danseuses esquissées au fusain ou à la peinture à l'essence sur des papiers de couleur, puis transposées sur des toiles. Pendant des années, les petits rats de l'Opéra s'exerçant à la barre, en répétition, sur scène ou au repos constituent le thème favori de sa peinture. Degas obtiendra assez tard une autorisation pour travailler sur place, à l'Opéra: les danseuses viennent donc poser chez lui et il compose ensuite d'imagination son tableau. Ses danseuses et ses chevaux de course conservent cependant la saveur de la réalité, tout en faisant la synthèse d'expériences personnelles et d'influences variées, comme, pour les chevaux, la peinture anglaise et les estampes japonaises. Parallèlement à la peinture, Degas pratique la sculpture, modelant dans la cire des séries de danseuses, de Femmes à leur toilette (1885-1898) et de chevaux. Sa plus célèbre statue, la Petite Danseuse de quatorze ans, habillée de vrais vêtements, un ruban noué dans les cheveux, crée le scandale lorsqu'elle est présentée à la sixième exposition impressionniste.

Edgar Degas : l'Absinthe, Edgar Degas :

la Classe de danse

Des orgies de couleurs
À 46 ans, Degas jouit d'une réputation bien établie et, dans les années 1880, son œuvre remporte un succès grandissant. Après la dernière exposition impressionniste, en 1886, il s'abstient de participer aux manifestations artistiques collectives. Il mène une existence réglée, presque exclusivement consacrée au travail. Célibataire, il s'entoure de quelques amis choisis. Ce confinement dans les habitudes lui permet, paradoxalement, les plus grandes audaces dans son œuvre. Aux thèmes de prédilection des années 1870 vient s'ajouter une série d'œuvres sur les modistes. Les chapeaux, agrémentés de multiples fanfreluches, indispensables accessoires de la coquetterie féminine, sont prétextes à une débauche de couleurs et de formes animées. La femme est omniprésente dans les tableaux de la maturité, mais c'est plus le traitement de l'espace que le sujet qui retient l'attention de l'artiste. La plupart de ses compositions sont prises d'un point de vue élevé, en vue plongeante. Les personnages sont présentés en vue rapprochée, dans une lumière théâtrale. Le spectateur entre dans l'intimité du modèle, femmes surprises à leur toilette, vues de dos ou de profil, se cambrant sous la morsure du peigne dans leur épaisse et flamboyante chevelure.


Les dernières années


Les troubles de la vue dont Degas souffre depuis plusieurs années s'aggravent avec l'âge. Ses facultés amoindries sont-elles à l'origine de l'abstraction de plus en plus grande des œuvres de sa dernière période? À la fin du siècle, Degas reprend avec enthousiasme les pastels de sa jeunesse. Il travaille en grand format la gesticulation frénétique des danseuses russes, ses «orgies de couleurs» comme il les appelle, et dessine des nus sans relâche, utilisant du papier-calque afin de reprendre son dessin sans le surcharger ni le détruire. Il pratique aussi le modelage en cire ou en plastiline.


En 1910, devenu aveugle, il cesse de travailler. Il meurt sept ans plus tard, d'une congestion cérébrale. Degas laisse l'image d'un être sensible, spirituel et distingué, intransigeant pour tout ce qui touche à l'art, et gardant, comme tous les génies, le pouvoir de déranger.