Les années de jeunesse (1833-1848)
"Puisque réalisme il y a" (1848-1855)
Les années fastes (1856-1870)
Courbet et la Commune (1870-1871)
Le temps des épreuves (1871-1877)
Postérité
"Ce fut comme le bruit d'une
trombe qui aurait passé sur la salle d'exposition en secouant et
en fracassant les vitres"
(Castagnary, 1884)
C'est
à Ornans, petite ville située au coeur de la Franche-Comté,
que Gustave Courbet voit le jour en 1819. Il est l'aîné et
l'unique garçon d'une fratrie de quatre enfants. Sa famille est
unie et aisée, grâce à l'important patrimoine terrien
du père.
Toute
sa vie, Courbet témoigne de l'affection qu'il porte aux siens.
Il a laissé d'eux de nombreux portraits, parfois au milieu des
personnages de ses grandes compositions. Le même attachement le
relie à sa région natale qui sert de décor pour nombre
de ses tableaux. Au cours de sa vie, Courbet visite les pays du Nord où
il est apprécié, il habite Paris, se rend en Saintonge,
berceau de son ami Castagnary, en Normandie avec le peintre américain
Whistler ou encore à Montpellier à l'invitation de Bruyas,
l'ami et mécène, mais il revient toujours vers la Franche-Comté.
C'est
avec une "inébranlable confiance en lui-même et une
indomptable tenacité" (Castagnary) que Courbet se lance dans
une carrière artistique prolifique qui s'articule autour de quatre
périodes clefs.
Les
années de jeunesse (1833-1848)
Gustave Courbet est sensibilisé
à la peinture par le père Baud, un professeur d'Ornans qui
fut un élève de Gros. Installé à Besançon
à partir de 1837, le jeune homme y poursuit sa formation chez un
émule de David.
Courbet
a vingt ans lorsqu'il arrive à Paris pour s'inscrire à la
faculté de droit. Le jeune homme se détourne bien vite de
cette voie et préfère fréquenter les ateliers de
Steuben et du père Suisse. Il copie les maîtres du Louvre
comme Rembrandt, Hals, Rubens, Caravage ou Titien. Dans la "galerie
espagnole" de Louis-Philippe, il découvre Vélasquez
ou Zurbaran qu'affectionnera également Manet. Parmi ses concitoyens,
Courbet admire Géricault et Delacroix, deux maîtres romantiques
qui utilisèrent les grands formats pour peindre des épisodes
de l'histoire contemporaine.
Au
cours de cette période, Courbet se cherche encore. A diverses reprises,
il se met en scène avec emphase (Le désespéré,
1841 ; L'homme au chien noir, 1842 ; L'homme blessé, 1844-1854,
L'homme à la ceinture de cuir. Portrait de l'artiste, 1845-1846).
Au-delà des influences des maîtres du passé et des
romantiques, il affirme déjà l'ambition de jouer dans l'histoire
de l'art un rôle de premier plan grâce à une peinture
personnelle et sincère.
"Puisque
réalisme il y a" (1848-1855)
En 1848, Courbet, qui
a jusqu'alors peu exposé au Salon, peut enfin y présenter
une dizaine de toiles. Remarqué, il noue une relation d'amitié
avec le critique Champfleury et bénéficie désormais
d'une reconnaissance publique, confirmée l'année suivante
avec l'achat par l'Etat d'Une après-dînée à
Ornans (Lille, musée des Beaux-Arts). La médaille de seconde
classe obtenue à cette occasion le dispense désormais de
son envoi au jury jusqu'en 1857, année où les règles
changent.
Avec d'autres oeuvres
en revanche, Courbet se heurte à l'incompréhension et provoque
le scandale. C'est le cas en 1849 avec Les casseurs de pierres (oeuvre
détruite) puis avec Un Enterrement à Ornans au Salon de
1850-1851. En cette seconde moitié de XIXe siècle, selon
la tradition académique, les tableaux de grand format sont réservés
aux sujets historiques, bibliques, mythologiques ou allégoriques.
Courbet maltraite cette convention en peignant un monde familier, domestique,
sur de très grandes toiles. Il estime que l'histoire contemporaine,
fusse-t-elle celle des gens du peuple, mérite ces grands formats.
En affirmant que "L'art historique est par essence contemporain",
Courbet exprime son désir de réformer la peinture d'histoire.
Le titre original de l'Enterrement, Tableau historique d'un enterrement
à Ornans, est de ce point de vue emblématique.
Au
cours de cette période, Courbet fait une rencontre décisive
pour la suite de sa carrière. Alfred Bruyas (1821-1877), un riche
collectionneur originaire de Montpellier, achète Les Baigneuses.
Il va dès lors devenir un véritable mécène
pour l'artiste, qui peut ainsi vivre de sa peinture en toute indépendance.
La reconnaissance vient également de l'étranger. Dès
1854, on se dispute à Berlin et à Vienne l'honneur d'exposer
Courbet.
Cette
période trouve son apogée dans L'Atelier du peintre (1854-1855),
véritable tableau-manifeste dans lequel Courbet affirme ses choix
artistiques et politiques. Courbet donne d'ailleurs à cette oeuvre
de près de quatre mètres sur six le sous-titre évocateur
de Allégorie réelle déterminant une phase de sept
années de ma vie artistique et morale.
Le jury du Salon de 1855 accepte plus d'une dizaine de toiles de Courbet,
mais refuse son Atelier, à cause de la taille de l'oeuvre. Cette
décision incite Courbet à organiser une exposition particulière,
en marge de l'Exposition universelle, dans un bâtiment édifié
à ses frais et qu'il nomme le "pavillon du Réalisme".
Les années
fastes (1856-1870)
Gustave CourbetLa falaise
d'Etretat après l'orage Musée d'Orsay Un tableau exposé
au Salon de 1857, Les demoiselles des bords de la Seine (Paris, Petit
Palais), permet à Courbet de se constituer un cercle fidèle
d'amateurs et de défenseurs.
Courbet expose régulièrement au Salon, les commandes affluent.
Son abondante production se développe autour de thématiques
diversifiées : scène de chasse, paysages, natures mortes
florales. Mais, agitateur par nature, l'artiste attire à nouveau
le scandale, avec Le retour de la conférence (1863, oeuvre disparue,
sans doute acquise dans le but d'être détruite par un contemporain
indigné) montrant des ecclésiastiques éméchés
et divagants sur une route de campagne. La toile est refusée au
Salon de 1863 "pour cause d'outrage à la morale religieuse".
On lui interdit même l'entrée au Salon des Refusés
!
L'année suivante c'est Vénus et Psyché (oeuvre disparue)
qui est refoulée du Salon pour "indécence". C'est
au cours de cette même période que Courbet peint son oeuvre
la plus provocante, L'Origine du Monde (1866), commande privée
qui demeurera longtemps inconnue du public.
Lors
de l'Exposition universelle qui se tient à Paris en 1867, Courbet
expose cette fois neuf toiles au Salon. Cette reconnaissance ne l'empêche
cependant pas d'organiser à nouveau une exposition personnelle
dans un bâtiment construit place de l'Alma. Le public y peut admirer
environ cent quarante de ses oeuvres.
Au cours de l'été 1869, Courbet séjourne à
Etretat. Il y réalise notamment La mer orageuse et La falaise d'Etretat
après l'orage. Au Salon de 1870, ces deux toiles sont accueillies
par un concert de louanges. La réputation de Courbet est désormais
solidement établie.
Courbet
et la Commune (1870-1871)
A la chute du Second
Empire, Courbet est élu Président de la Fédération
des artistes. Alors que Paris subit le siège des armées
prussiennes et que beaucoup fuient la capitale, Courbet reste sur place.
Lui qui avait déjà suivi avec intérêt les événements
de 1848 garde sans doute à l'esprit le souvenir de son grand-père,
sans-culotte en 1789.
En
février 1871, son engagement se confirme : il se présente
aux élections législatives, sans succès. En avril
1871, la commission exécutive de la Commune de Paris le charge
de rouvrir les musées parisiens et d'organiser le Salon.
Elu au Conseil de la Commune, Gustave Courbet n'est cependant pas garde
national et ne participe donc pas aux combats. Arrêté par
les versaillais le 7 juin, le peintre est condamné en septembre
à 6 mois de prison et 500 francs d'amende auxquels s'ajoutent 6
850 francs de frais de procédure. La sentence est plutôt
clémente au regard des peines de mort et de déportation
qui frappent d'autres communards... mais ce n'est que le début
des ennuis judiciaires.
Le
temps des épreuves (1871-1877)
La démolition,
le 16 mai 1871, de la colonne Vendôme érigée par Napoléon
Ier, devenue le symbole du Premier et du Second Empire, avait été
votée par la Commune le 12 avril 1871. Soit, quatre jours avant
l'élection de Courbet. Mais l'artiste avait eu l'imprudence de
lancer en septembre 1870 une pétition dans laquelle il réclamait
au gouvernement de la Défense nationale de bien vouloir l'autoriser
à "déboulonner" la colonne.
En 1873, à la suite d'un nouveau procès, Courbet est jugé
responsable. On le condamne à rembourser les frais de reconstruction
de la colonne s'élevant à 323 091 francs. Courbet perd une
grande partie de sa fortune et part s'installer en Suisse de peur d'être
à nouveau emprisonné.
Durant
son exil, l'Etat saisit ses biens, surveille ses amis et sa famille. L'instabilité
politique des premières années de la IIIe République
n'est guère favorable aux anciens communards. Courbet refuse de
revenir en France avant le vote d'une loi d'amnistie générale.
Malgré
l'accueil bienveillant qu'il reçoit en Suisse, Courbet sombre dans
cet exil. Il se perd dans l'alcool, ne produit plus que très rarement
des oeuvres dignes de son talent. Les problèmes d'argent et les
procédures à mener deviennent une obsession. Il meurt le
31 décembre 1877 à la Tour-de-Peilz, quelques jours après
que son atelier de Paris a été dispersé en vente
publique.
Postérité
Gustave CourbetL'hallali
du cerf musée d'Orsay" Regardez l'ombre dans la neige, me
dit Courbet, comme elle est bleue... Voilà ce que les faiseurs
de neige en chambre ne savent pas." Cette observation du peintre,
relatée par Castagnary, véritable incitation à la
peinture sur le motif, ouvre la voie aux recherches impressionnistes sur
les ombres colorées.
Ses peintures de paysage
font notamment l'admiration de Cézanne
: "Son grand apport" affirme-t-il à propos de Courbet
"c'est l'entrée lyrique de la nature, de l'odeur des feuilles
mouillées, des parois moussues de la forêt, dans la peinture
de dix-neuvième siècle ..... Et la neige, il a peint la
neige comme personne !". Au cours des années 1860, Cézanne
utilise le couteau à palette selon la technique de Courbet. Il
lui emprunte également les couleurs sombres et la pâte épaisse.
Edouard
Manet (1832-1883) ne cache pas sa dette envers Courbet. Comme son aîné,
il attire le scandale et les sarcasmes. Le déjeuner sur l'herbe
est refusé au Salon de 1863 puis conspué au salon des Refusés.
L'Olympia, provocante "odalisque au ventre jaune" du Salon de
1865 focalise l'animosité du public. Par sa volonté de se
libérer des règles académiques, Manet prolonge le
chemin tracé par Courbet.
James
McNeill Whistler (1834-1903), élève de Courbet, développe
avec son aîné une relation amicale. Joanna Hiffernan, dite
Jo l'Irlandaise, maîtresse de l'artiste américain, est d'ailleurs
le modèle présumé de l'Origine du monde (1866). Avec
lui, Courbet peint les bords de mer en Normandie, comme avec Eugène
Boudin (1824-1898).
Claude Monet (1840-1926)
met en scène un gaillard corpulent dont les traits évoquent
ceux de Courbet. Ce dernier rendit d'ailleurs visite au jeune artiste
qui achevait la peinture dans l'atelier qu'il partageait avec Bazille.
Carolus
Duran (1837-1917) est influencé par Courbet au tout début
des années 1860. Dans les mêmes temps, Henri Fantin- Latour
(1836-1904) rencontre Gustave Courbet et travaille dans son éphémère
atelier.
Renoir
(1841-1919) débute aussi sous l'influence de Courbet avant de s'en
affranchir. Les nus de Courbet le marquent durablement
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