Claude Monet

1840 ~1926

Les fleurs de son jardin

Le clos Normand


Après avoir vu Claude Monet dans son jardin, disait Kahn en 1904, "on comprend mieux comment un tel jardinier devint un si grand peintre."

Et Claude Monet disait de lui-même: "en dehors de la peinture et du jardinage, je ne suis bon à rien"!
Le Clos normand est conçu à la française, il est devant la maison, les allées le découpent en lignes droites et malgré la profusion, la variété et l'éclat des couleurs au cours des saisons, il est ordonné.

Où qu'il habite, Claude Monet a un jardin, à Ville d'Avray, Louveciennes, Argenteuil (où son goût pour le jardinage s'accentue au contact de son ami Caillebotte) et à Vétheuil.

A Giverny, il dispose enfin d'un verger coupé en son milieu par une grande allée flanquée de deux larges plates-bandes et débouchant sur le chemin du Roy. Les plates-bandes étaient plantées d'épicéas, d'ifs et de massifs de buis. Après des discussions douloureuses et sans fin avec Alice, il garde les deux ifs devant la maison et remplace les épicéas et les buis par des arceaux métalliques et, sous la voûte de roses, le chemin central se borde de fleurs et de capucines rampantes. Son chef jardinier est le fils de celui d'Octave Mirbeau, Félix Breuil, qui a cinq aides sous ses ordres !

Du côté ouest, il transforme le verger en pelouses parsemées de touffes d'iris et de pavots d'orient, plantées de cerisiers et de pommiers du Japon.

Il aménage le côté est en planches régulières garnies de glaïeuls, de pieds d'alouette, de phlox, de marguerites, d'asters etc. Le long de chaque planche, un treillis métallique supporte à son sommet une somptueuse draperie de clématites ondulant au vent, bordée un peu plus bas par des roses grimpantes. L'effet est ravissant. Les bordures sont garnies de plantes de rocailles à dominante bleue et les plantes annuelles alternent avec les vivaces de façon à maintenir une constante floraison.
Dans ses trois serres il cultive des bégonias, des fougères exotiques et une superbe collection d'orchidées.

 

Giverny ! Charmant village s'allongeant au flanc d'un coteau non loin de Vernon... Giverny, nom célèbre grâce à la demeure choisie par un grand artiste

Claude Monet s'y fixa en avril 1883. "Je suis dans le ravissement, Giverny est un pays splendide pour moi..." écrivait-il un mois à peine après s'y être installé. Avant de visiter sa maison, son jardin, ses étangs, il faut donc décrire en quelques mots la vie du peintre et ce que furent ses sources d'inspiration.

Claude Monet vient au monde à Paris en 1840. Il passe son enfance et son adolescence au Havre. Il y rencontre entre 1858 et 1862 les peintres Eugène Boudin et Jongkind qui lui donnent le goût de la peinture en plein air. Il va à Paris étudier et rencontre Renoir, Sisley, Bazille. Il admire Manet et travaille à Trouville aux côtés de Courbet. En 1871, à Londres, il découvre Turner. C'est à cette époque qu'il commence à admirer et collectionner des estampes japonaises. Il se fixe à Argenteuil entre 1872 et 1878 et commence à travailler sur l'eau, dans une barque aménagée en atelier. Il a de graves difficultés d'argent. Il est marié avec Camille dont il a un enfant, Jean.


Impression, soleil levant
Musée Marmottan Monet Il expose en 1874, 1876, 1877 et 1882 avec des peintres que l'on nommera "impressionnistes" en raison d'une toile de 1872 que Monet avait intitulée "Impression, soleil levant" et bien d'autres... Ernest Hoschedé, ruiné, s'enfuit en Belgique en 1877. Madame Hoschedé et Madame Monet décident de passer l'été ensemble en 1878, louant une maison à Vétheuil dont Claude Monet n'est absolument pas enthousiasmé.

Sa femme accouche à Paris d'un second fils, Michel, et il a la douleur de la perdre de la tuberculose en 1879. Alice Hoschedé décide alors d'aider Claude et d'élever ses deux enfants avec les siens. Ils partent à Poissy que Monet déteste et, comme le bail se termine en avril 1883, il visite les confins du Vexin pour trouver un autre logement. De la portière du petit train entre Vernon et Gasny, il découvre Giverny où il déménage en compagnie d'Alice Hoschedé et de ses enfants.

La palette éblouissante que le maître de Giverny voulut composer à quelques pas de sa maison, s'offre désormais aux regards des visiteurs.

Il n'est plus besoin de savoir comment il fit son jardin. Il est bien certain qu'il le fit tel que son œil le commanda successivement, aux invitations de chaque journée, pour la satisfaction de ses appétits de couleurs.


Claude Monet
par Sacha Guitry Ils s'installent tout d'abord dans une auberge, puis louent à Louis-Joseph Singeot une maison. C'est là que Claude Monet se fixe définitivement. La propriété contient plus d'un hectare, elle est située en contrebas au bout du village, elle est bordée en bas par "le chemin du Roy" doublé d'un petit chemin de fer départemental conduisant de Vernon à Gasny, en haut par "la rue de l'Amsicourt" à présent rue Claude Monet (où on trouve l'entrée de la Fondation, devant le parking). La maison borde la rue et fait face à un grand verger. Une grange sans étage se trouve à gauche de la maison lorsqu'on la regarde en venant du jardin. Le peintre en fait immédiatement son salon et son atelier où il aime s'asseoir et fumer en examinant minutieusement les toiles faites à l'extérieur.

Son jardin est planté de fleurs pour pouvoir peindre les jours de pluie et par beau temps. Chaque jour, inlassablement, il va reproduire sur ses toiles les champs, les arbres, la Seine. Dans ce but, il fait l'acquisition d'un îlot, "l'île aux Orties", sur laquelle il possède une cabane et un bateau-atelier.


Monet retouchant la périphérie d'un tableau dans l'atelier Levé à cinq heures chaque matin, il circule sur les chemins de Giverny, sur les bords de l'Epte, le long des rangées de peupliers, dans les champs rougis de coquelicots, sur les bords de la Seine et c'est à Giverny qu'il devient le précurseur de la peinture moderne. Insensible à toutes les tendances de son temps, les nabis, les pointillistes, les fauves, les cubistes, il creuse obstinément son sillon.


"Le motif est pour moi chose secondaire, ce que je veux reproduire, c'est ce qu'il y a entre le motif et moi". "Ça n'est pas la lumière et l'ombre qui sont l'objet de sa peinture mais la peinture placée dans l'ombre et la lumière".

C'est ainsi qu'il aboutit à la fin de sa vie à la disparition de l'objet dans le tableau et c'est l'annonce de la peinture abstraite contemporaine.


Nymphéas C'est à Giverny qu'il commence ses fameuses "Séries" qui vont le rendre célèbre. Il exécute la série des vingt-cinq "Meules" entre 1888 et 1891. Il expose chez Durand-Ruel en 1892 une série de vingt-quatre Peupliers ; il peint entre 1892 et 1898 la série des Cathédrales, la série des "Matinées sur la Seine", puis les Ponts japonais, les Glycines, les Nymphéas où le ciel et les nuages jouent entre les herbes, les fleurs.

Tout se reflète sur une surface qui n'est qu'illusion. Et ce sera enfin l'apothéose avec les "Décorations des Nymphéas" où d'un progressif effacement des formes naît le triomphe de la couleur.

A l'époque où il s'installe à Giverny, il a les plus grandes difficultés financières et le marchand Durand-Ruel l'aide à vivre confortablement ainsi que sa nombreuse famille. Lorsqu'il devient plus connu et que ses toiles commencent à bien se vendre, il se décide à acheter la maison pour la somme de 22 000 francs. Il transforme alors le jardin, construit trois serres, achète de l'autre côté du chemin du Roy un terrain où après mille difficultés administratives il réussit à creuser le fameux étang et construit le Pont japonais d'après une esquisse, en 1895. Il se marie avec Alice Hoschedé en 1892; respectée et respectable, elle équilibre sa vie.

Cézanne, Renoir, Sisley, Pissarro, Matisse, John Singer Sargent, le critique Gustave Geffroy, Octave Mirbeau, lui rendent visite. Il se lie de la plus grande amitié avec Georges Clemenceau qui l'entourera de son admiration et de son affection jusqu'à sa mort. Il ne comprend pas et ne supporte pas la peinture de Gauguin, mais il apprécie Vuillard : "un très bon œil" Maurice Denis : "un très joli talent". Après déjeuner, il aime montrer à ses amis sa collection particulière disposée au premier étage de sa maison.

En 1899, il construit un second atelier très bien éclairé, à gauche du jardin, devant les serres. Il installe aussi un garage, une chambre noire pour la photographie, deux chambres à coucher. A cette époque, les marchands se disputent ses faveurs. Il confie ses toiles à Boussod et Valadon, aux frères Bernheim, à Georges Petit et Durand-Ruel s'en trouve fort meurtri. Mais c'est chez lui qu'il expose en 1900 une magnifique série de Nymphéas et devient célèbre en France, en Angleterre, aux Etats-Unis.

C'est aussi en 1899 que meurt Suzanne, sa belle-fille, dont la perte laissera sa mère inconsolable.

Les expositions, les voyages en Norvège, à Londres, en Italie, sur les côtes normandes se succèdent.

En mai 1911, la disparition d'Alice, son épouse, le laisse désemparé. Il est heureusement entouré de sa belle-fille Blanche et de Georges-Clemenceau. Son fils Jean, époux de Blanche, meurt à son tour en 1914.


De gauche à droite : Mme Kuroki, Claude Monet, Lily Butler, Blanche Hoschedé-Monet et Georges Clemenceau. Très ébranlé, il souffre d'un début de cataracte; il est encouragé par Clemenceau à pousser encore plus loin ses recherches picturales. Il rêve alors d'entreprendre ce qu'il nomme les "Décorations des Nymphéas" et il construit pour cela, entre 1914 et 1915, un très vaste et très inesthétique atelier en haut du jardin, à gauche. Il commence son immense travail en 1916 qui aboutit, après des péripéties, à la donation à la France d'une magnifique série de toiles, le 12 avril 1922.

Opéré de l’œil droit en janvier et juillet 1923, il meurt neurasthénique et épuisé le 5 décembre 1926.

 

Tombe famille Monet