Ingres
portraitiste de génie
A
Rome dans son atelier, Jean Auguste Dominique Ingres tient dans
sa main le croquis d'un portrait.On peut y voir le tracée
précis et délicat d'une femme nue assise. Face à
lui se trouve Madame de Sennonnes son modèle. elle est
vêtue d'une robe rouge qui forme un superbe contraste avec
les tonalités du jaune du divan sur lequel elle est assise.
Curieusement, il l'a dessinée nue; C'est sa méthode;
Il est sûr ainsi d'obtenir un équilibre parfait de
son sujet et des proportions sans défaut. puis il l'habille.
sur la toile posée sur le chevalet, il esquisse le portrait;
Très psychologue. II s'attache aux éléments
essentiels. II commençe par les yeux et, seulement après
les avoir dessinés, passe aux cheveux et au reste du visage.
Son trait est extrêmement sûr : ayant bien observé
le modèle il le dessine d'un seul coup, sans jamais se
servir d'une gomme. Son portrait est remarquables surtout par
la pureté du. dessin; la couleur n'y est qu'un complément.
Déjà, au temps de son apprentissage dans l'atelier
de David, ses collègues remarquaient la « sensibilité
du contour et l'extraordinaire précision du modèle
». II disait d'ailleurs qu'un tableau lui paraissait fini
quand le dessin en était achevé.
Baudelaire,
observant certains portraits d'Ingres, parle de sa «rigueur
de chirurgien», Mais ceci ne suffit pas à définir
sa personnalité dans ce qu'elle a de plus singulier et
de plus déconcertant. Ingres se détache consciemment
de la nature et de la société qui l'ont cependant
façonne. Ce n'est pas par rationalisme, comme les lettrés
et les artistes de la restauration, dont le scientifique et impassibile
Flaubert; ce n'est pas non plus par une technique purement optique
comme celle des impressionnistes, mais par une théorie
du «Beau idéal», qu'il élabore à
sa façon.
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Madame de
Senonnes
musée
de Nantes
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Comte Gouriev
Musée hermitage St Petersbourg
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Madame Devaucey
Musée Condé Chantilly
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Son
uvre est élaborée, mais réaliste. En
arrière plan se reflète dans le miroir l'image de
Madame de Senonnes Ingres est fasciné par les phénomènes
doptique, jeu de miroirs ou reflets sur les surfaces polies.
La
prodigieuse galerie de portraits qu'il a laissée constitue
un miroir inégalable de la société bourgeoise
de son temps, de l'esprit et des moeurs de cette classe à
laquelle il appartenait et dont il trace les vertus et les limites
;< il impose «à chaque type qui passe sous son
il un perfectionnement plus ou moins complet» (Baudelaire):
lenvironnement (le ciel dorage du Portrait de Granet,
peintre romantique), le costume (la somptueuse robe à fleurs
aux couleurs vives de Madame Moitessier), lattitude (le
geste rêveur de Madame dHaussonville), caractérisent
le modèle autant et plus que lexpression du visage
A travers une longue vie d'incessant labeur, il est devenu l'une
des plus grandes figures de la peinture au XIXème siècle.
Avec lui la tradition classique a vécu sa dernière
splendeur.
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Madame Moitessier
National Gallery Londres
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Monsieur Bertin
Musée du louvre Paris
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Madame Poncelle
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Parlant
du célèbre portrait de Monsieur Berlin ci-dessus
exposé, fondateur du Journal des Débats, Théophile
Gautier y admire, à côté du portrait physique,
le portrait moral de l'homme, la «révélation
de toute une époque». Il voit dans ce tableau «l'autorité
et l'intelligence, la richesse, la juste confiance en soi»
qui étaient si caractéristiques «de l'honnête
homme sous Louis-Philippe»
Ingres
le «le messie du classicisme»
Proclamé
lémule, légal de Raphaël, Ingres
apparaît malgré lui comme lun des initiateurs
du romantisme et du réalisme en France. Déjà,
en 1855, Baudelaire remarquait dans son compte rendu de lExposition
universelle: <Aux gens du monde, M. Ingres simposait
par un emphatique amour de lAntiquité et de la tradition>.
En effet, à
partir de luvre admirée de l'antiquité,
Ingres, par le jeu même de la réflexion et de la
technique, crée un art toujours personnel. De là
le qualificatif de novateur que lui donnèrent les tenants
de la doctrine académique de David ou les critiques perspicaces,
tel Théophile Gautier. À lépoque, son
art surprend, que lon définit par la ligne
«la ligne de Raphaël revue, corrigée et augmentée»,
disaient les satiristes.Il devient le chef de l'école académique
contre l'école romantique dont l'un des plus illustres
représentants est Delacroix. D'ailleurs on les oppose comme
on opposa les classiques Joachim du Bellay , Ronsard au moderne
Malherbes en Littérature.
Linfluence
quexerça Ingres à son époque fut décisive
et sexplique par le grand nombre délèves
qui travaillèrent dans son atelier: deux cents au moins.
Ingres, fidèle à lui-même, il força
l'admiration, même de ses contradicteurs. A travers une
longue vie d'incessant labeur, il est devenu l'une des plus grandes
figures de la peinture au XI`I" siècle. Avec lui)
la tradition classique a vécu sa dernière splendeur.
Il donnat à la peinture dhistoire une perfection
inégalée, sans comparaison avec les reconstitutions
pseudo-historiques de lépoque: sa Vénus Anadyomène
rappelle la composition dune métope, et le Martyr
de st Symphorien , illustré ci-dessous, celle dune
frise antique, tandis que Paolo et Francesca (voir ci-dessous
) évoque la miniature.
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Paolo &
Francesca- musée turpin d'Angers
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Raphaël
& la Foranina Gallery of Colombus |
Le
martyr de St Symphorien
musée de Montauban |
Le
songe d'Ossian Musée de montauban |
Paul
Signac a mis en lumière le rôle de Delacroix
le traditionnel adversaire dIngres pour expliquer
lévolution de la peinture vers le néo-impressionnisme,
mais on ne saurait oublier que Degas, Renoir et surtout Cézanne,
Matisse, Derain et Picasso et plus récemment les artistes
du popart ont été marqués par
leur admiration pour Ingres.
Aucun
cependant ne sera à sa hauteur, et après lui, la
grande tradition, classsique s éteindra. Le prestige d'Ingres
s'enrichit de nomhreux titres : officier de la Légion d'honneur,
membre de l'Académie des beaux-arts, professeur, puis président
de l'École des beaux-art s. Il peint l' Apothéose
d'Homère une de ses toiles les plus célèbres,
et réplique ainsi aux attaques de ses ennemis. Les sujets
de ses tableaux sont extrêmement varies : thèmes
de l'Antiquité, de la mythologie, scènes religieuses,
allégories, nus, faits historiques et surtout portraits.
La
carrière dun prix de Rome
Jean
Auguste Dominique Ingres naquit à Montauban. le 29 août
1780. Son père était sculpteur et musicien; il enseigna
très tôt au petit garçon à dessiner
et à jouer du violon. Ses leçons portèrent
vite leurs fruits : à neuf ans, Jean Dominique exécutait
déjà des croquis qu'il signait et datait. A treize
ans, il reçut le premier prix de dessin à l'académie
de Toulouse, et, à seize ans, le premier prix de composition.
En même temps il se perfectionnait dans le violon, jouant
pendant deux ans, en qualité de second violoniste, dans
l'orchestre de Toulouse. en 1791, il entrait à lacadémie
de Toulouse .
Elève
de David à Paris, à partir de 1797, il devait remporter,
en 1800, un second Grand Prix de peinture, et lannée
suivante, en 1801, le premier Grand Prix avec le sujet: Les Ambassadeurs
dAgamemnon et des principaux de larmée des
Grecs, précédés des hérauts, arrivent
dans la tente dAchille pour le prier de combattre (Paris,
École des beaux-arts).
Le
long séjour en Italie
Envoyé
comme pensionnaire à la Villa Médicis de 1806 à
1811, La découverte de la Ville éternelle éblouit
le jeune artiste. Il dessine avec ardeur, passionné par
les trésors de l'art classique, et surtout par les tableaux
de RaphaëL Pendant quatre ans, il reste pensionnaire à
la Villa Médicis. Il fait parvenir en France les travaux
obligatoires que réclame lAcadémie: dipe
et le Sphinx (1808, musée du Louvre), la Baigneuse dite
«de Valpinçon» (1808, musée du Louvre),
Jupiter et Thétis (1811, musée dAix-en-Provence)
sévèrement jugés par la classe des Beaux-Arts
de lInstitut qui y voit, non sans raison, une transposition
trop originale des leçons de David.
Pour
n'être pas obligé de revenir à Paris, en 1820,
il sinstalle à Florence, après avoir achevé,
pour la Trinità dei Monti, Jésus remettant les clefs
du paradis à saint Pierre (musée de Montauban).
Il peint le Portrait du comte Gouriev (1821, musée de lErmitage,
Saint-Pétersbourg) ci-dessus illustré, et le gouvernement
français lui commande Le Vu de Louis XIII, destiné
à la cathédrale de Montauban. Le tableau, envoyé
au Salon de 1824, connaît un succès extraordinaire.
Enfin triomphant, Ingres est élu à lInstitut
comme successeur de Vivant Denon. Désormais célèbre,
il fonde un atelier et, le 30 décembre 1829, est nommé
professeur à lÉcole des beaux-arts. Il peint
de nombreux portraits dont celui de Monsieur Bertin (musée
du Louvre) présenté plus haut.
En
même temps, il songe à une grande composition à
laquelle il travailla sept ans, Le Martyre de saint Symphorien
(cathédrale dAutun); mais, présentée
au Salon de 1834, cette uvre fut curieusement lobjet
de jugements hostiles. Déçu, Ingres accepte le poste
de directeur de la Villa Médicis, quil occupe de
1835 à 1841.
Son
directorat terminé, Ingres revient à Paris en 1841.
Il est le protégé du duc dOrléans dont
il fait le portrait (collection de Mgr le comte de Paris)
Cest
peut-être lorsquil exprime par le dessin lessentiel
de la composition quIngres réussit le mieux. Cest
pourquoi les dernières toiles, la Vénus Anadyomène
(1848, musée de Chantilly), La Vierge à lhostie
(1854, musée dOrsay), Le Bain turc (1862, musée
du Louvre) apparaissent comme les uvres modèles du
peintre.
Ingres
meurt le 14 Janvier 1867, léguant son atelier à
la ville de Montauban.
Ingres
a été souvent considéré comme un précurseur
du réalisme en peinture, en particulier par Baudelaire
qui, le rapprochant de Courbet, a souligné plus d'une fois
son naturalisme, la réalité matérielle de
ses objets, de même que la vérité psychologique
de ses portraits.
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