Paul
Gauguin
1848 - 1903
Gauguin, Van Gogh, deux noms inséparables. Comme leur peinture,
la vie de ces deux hommes est une oeuvre.Lun et lautre
sont des aventuriers de génie, condamné à saccomplir
au prix de la misère et de la solitude.Légérie
du socialisme naissant, Flora Tristan, sa grand-mère maternelle.
Dans le prologue de sa remarquable vie de Gauguin, Henri Perruchot
a relaté létonnante existence de Flora Tristan,
la grand-mère maternelle de Paul Gauguin, celle quon
appela « la fille des rayons et des ombres» et qui fut
vers 1840-44 légérie du socialisme naissant. Cette
femme a parcouru lEurope, les indes et le Perou. De ces voyages
elle a publié «Pérégrination dune
paria» qui raconte ses aventures et ses rancoeurs. Puis elle
entreprend une tournée à travers la France pour parler
aux travailleurs des idées quelle a pour lutter contre
la misère et pour obtenir lémancipation féminine.Interdite
de réunion,elle meurt foudroyée par une congestion cérébrale
à Bordeaux.
Sa fille, Aline, la mère de Gauguin, paraît aussi,tendre
et aussi bonne que sa mère était impérieuse.
Elle épouse Clovis Gauguin,journaliste du National.En 1848,
nait Paul. Cette année-là, les ouvriers français
font élever par souscription un monument àFlora Tristan
dans le cimetière de Bordeaux.
portrait
en arrière les pommes en hommage à Cézanne
Naissance
de Paul lannée des barricades
Paul voit le jour le 7 Juin 1848. 15 jours plus tard, les barricades
se dressent dans Paris à la suite de labolition des ateliers
nationaux.Le Prince Louis Napoléon Bonaparte, élu Président
de la République étouffe la révolte par son coup
dEtat. Clovis Gauguin et ses camarades du National, organe du
parti Radical na pas dautre issue que lexil.En 1849,
la famille Gauguin,embarque pour le Perou. Le voyage est déjà
une aventure qui va tourner au drame. A la pointe de la Patagonie,
Clovis sécroule, tué par une rupturedanévrisme.
Aline, la jeune veuve et ses 2 enfants est accueillie à Lima
par son grand-oncle, Don Pio, dont la famille est devenue une des
plus puissantes du Perou. Paul va séveiller à
la vie péruvienne pendant 6 ans. A la mort de ce grand-oncle,
les Gauguin rentrent en France. Ce retour au sol natal est pour Paul
un dépaysement.. Il comprend mal le français et prend
peu dintérêt à létude.Il brode,
il imagine, il rêve. « lInca est venu tout droit
du soleil et jy retournerai». Il a la nostalgie du voyage.
Nature
morte - 1898 national Gallery Londres
Matelot, Paul Gauguin retrouve lAmérique du Sud
A 17 ans, il sengage dans la marine marchande. De ce quai du
Havre ou sétait embarqué Manet en 1848, comme
matelot, Paul voit à son tour séloigner les côtes
de France; La destination est la même : Rio de Janeiro. En retrouvant
le continent de son enfance, leJeune matelot est heureux. Par le détroit
de Magellan, à Port -Famine, Paul se rend sur la tombe de son
père; Puis se dirige vers Panama , les iles polynésiennes,
puis les Indes. Là; Il apprend que sa mère sest
éteinte.
Autoportrait
- 1892 -san antonio museum
Paulo canaille sorti tout droit du Bal à Jo ; génial
franchouillard avec leurs qualités et leurs défauts
,
Initiation à la peinture
Il rentre alors en France où sa soeur lattend.La guerre
contre la Prusse vient déclater. Paul erre sur les mers
du monde et connait aux escales les amours de rencontres. La maison
de St Cloud où vit sa soeur a été incendiée
par les prussiens. Paul Gauguin reprend la vie à zéro.Cest
auprès des Arosa, un ami de sa famille quil va sinitier
à la peinture.Il rencontre une jeune danoise , Mette-Sophie
Gad, quil épouse en 1873. Elle lui donnera 5 enfants.
Avec son ami Emile Schuffenecker, un collègue de bureau, peintre
amateur, il va peindre en banlieue. Chez les Arrosa, il rencontre
Pissarro; Cest la providence des élus; Il lui conseille
de peindre clair.En 1876, Gauguin se voit accepter un petit paysage
par un salon. Face à la «bande à Manet »
il se tient sur ses gardes. Il ne veut pas se rallier à leur
peinture nouvelle. Il veut saffirmer en chef. Son tempérament
lécarte des subtilités de Monet. Il rencontre
Puvis de chavannes, regarde peindre Cézanne auprès de
Pissarro à Pontoise. Il soppose à Manet qui le
traite de dictateur au sujet du choix des participants à lexposition
de 1882. Gauguin parle, en effet, de se retirer si Degas maintient
la participation de ses protégés. Tout rentre dans lordre
grâce à lintervention de Renoir et de Monet.. Caillebotte
accepte en effet ,de participer à cette exposition.
gauguin-oranges
et citrons-1892
"un
homme qui s'isole pour sculpter son propre tombeau ".Lépreuve
de la misère et de la solitude
Gauguin lâche la Bourse après lébranlement
des marchés financiers.Il décide de se consacrer entièrement
à la peinture. Cest pour lui une nouvelle aventure qui
commence; Seul le triomphe en est lissue. Très vite il
rencontre des difficultés. Sa femme, Mette perd confiance et
décide de rentrer au Danemark. Gauguin va commencer lapprentissage
de la misère et de la solitude.
Dans le froid de lhiver, il se retrouve avec son fils, nayant
pour subsister que du pain. Lenfant fiévreux tombe malade.
Le père le soigne comme il peut. Lépreuve de la
misère ne parviendra pas à labattre.Il na
quune certitude : sa peinture. Il se brouille avec Seurat et
du même coup refuse dexposer au salon des indépendants
dont Seurat est le Président. Avec le peu dargent qui
lui reste, il décide daller vivre en Bretagne.
Séjour à Pont-Aven
gardien
de cochons
Gauguin_ Pont Aven
Le
premier séjour à Pont-Aven va durer tout lété.Gauguin
prend pension à lAuberge Gloanec; il emploie ses loisirs
à lescrime, à la boxe et à la nage - mais
aussi à sa peinture. Il expose parfois, entre quelques sarcasmes
des autres peintres «salonnards sans imagination» ses
idées au cours des longues soirées dans la salle dauberge
où les peintres se réunissent. Il y a là Emile
Bernard, Charles Laval.
Ce dernier lui vante les terres ensoleillées des Tropiques
et cette île Tobago, en face de Panama. Il partira pour cette
île en espérant y vivre comme des sauvages « sans
inquiétude du jour ni du lendemain». Très vite,
il déchantera de ses espérances. A court dargent,
il se fait embaucher comme terrassier au creusement du canal de Panama.
Son but? Amasser un peu dargent et partir pour la Martinique.
Il y parviendra et sinstallera en compagnie de Laval à
St Pierre. Tous deux tombent malades; ils sont atteints de dysenterie
et de fièvre paludéenne contractées à
Panama. « Je suis dans une case à nègre, couché
sans force, sur une paillasse sans un sou «. il continue pourtant
à peindre. « Jamais je nai eu une peinture aussi
claire»
De retour en France, il ira sinstaller de nouveau à lauberge
Gloanec; Les peintres sont revenus. Gauguin tombe amoureux de la fille
dEmile Bernard, Madeleine. Elle a 17 ans. Bernard a des idées
qui rejoignent celles de Gauguin et peut-être les influencent.
Doù le différend qui 3 ans plus tard brisera leur
amitié. Le génie instinctif de Gauguin prend mieux conscience
à la lumière des théories de Bernard.
Voir aussi l' étude portant sur Gauguin et ses disciples à
Pont-Aven
Depuis des mois, Vincent Van Gogh le presse de venir le rejoindre
à Arles, où il pourrait travailler à bon compte,
tandis que Théo Van Gogh assurerait nourriture et logement
contre une part de sa production. Il décide de gagner Arles.
Sejour à Arles
Vangogh
peignant les tournesols par Gauguin
les alyscamps
un matin dautomne, Gauguin est là, sûr de lui,
méfiant, pas un mot de remerciement pour Vincent Van Gogh qui
a préparé sa venue avec tant damour. Paul regarde
distraitement les toiles dont Vincent a décoré la maison.
cest un homme aigri. il critique tout: le pays, les gens,les
relations de Vincent. Gauguin qui a déjà pris à
Pont - Aven lhabitude de jouer les chefs, se propose de lui
donner des leçons. Les discussions éclatent, les relations
se tendent. Cest le drame. Le 24 Décembre, en pleine
place, Vincent se précipite sur Gauguin un rasoir à
la main avant de se trancher loreille dans un geste dautodestruction.
Gauguin repart pour Paris laissant Vincent à son triste sort.
Tahiti
les îles marquises symboles de son génie.
portrait
ancêtre de téhemana
te aa aerois -1892-moma de New york
Après un court séjour au Pouldu, en compagnie de Sérusier,
Il sembarque seul pour Tahiti. Rien ne peut le retenir, pas
même cet amour tout neuf que lui apporte Juliette Huet, une
petite couturière. Il débarque à Papeete et sinstalle
à Mataïea. Il loue une case, au pied de la montagne et
des végétations aux couleurs éblouissantes :
léclat des mangues et du tiaré, les fougères
arborescentes et les pandanus aux larges feuilles sétendent
auprès des eaux du lagon.
Un jour, une jeune fille rentre dans sa case,; elle a 13 ans; Cest
Téhura. Elle deviendra son modèle, son épouse.
Cest par elle quil va rentrer dans la phase essentielle
de son oeuvre. En quelques mois, il brossera 70 toiles qui sont toutes,
au delà de la féérie des formes et des couleurs,
un appel mystique aux dieux oubliés.
Gauguin
- Les seins aux fleurs rouges -1899-moma new york
Gauguin- visage de la jeune maori aux seins mangos - 1899
La grâce calme de l'attitude, la noblesse mesurée du
geste, la gravité de porteuse d'offrandes de ces Tahitiennes
s'expriment par l'admirable cadence des verticales, des horizontales,
la douceur des courbes unissant l'instinctive force du primitif à
la plus pure tradition de la peinture française. Jamais peut-être
Gauguin n'a atteint une maîtrise aussi parfaite de son art pour
exprimer cette harmonie particulière, cette " rigidité
statuaire " des femmes maories, qui, à défaut de
beauté traditionnelle, ont, écrivait-il, " un je
ne sais quoi d'ancien, d 'auguste, de religieux dans le rythme de
leurs gestes, dans leur immobilité rare. Dans des yeux qui
rêvent, la surface trouble d' une énigme insondable ".
« Dieu nappartient pas au savant, au logicien.
Il est aux poètes, au Rêve. Il est le symbole de la beauté,
la beauté même « sécrit-il.
Gauguin-
" je vous salue Marie"1891 moma New york
Gauguin aime transposer les thèmes religieux en visions
exotiques. Ainsi celui de la Salutation. Angélique est devenu
une scène fort poétique de maternité tahitienne,
d'un charme innocent et pourtant naïf, subtil comme un Fra Angelico
dont Gauguin a suivi la leçon. Ce témoignage de l'euphorie
des premiers mois de l'expérience tahitienne lui paraissait
une uvre très importante.
Par un étrange et infaillible instinct ou peut-être grâce
à son intelligence toujours si lucide, Gauguin évite
tous les dangers auxquels son art pourrait être exposé
: lorsqu'il part pour Tahiti, en 1891, c'est qu'il sent le besoin
de fuir la facilité littéraire du symbolisme, au moment
justement où il aurait pu devenir le chef de ce mouvement pictural.
Il vient chercher une vision de nature absolument nouvelle, une solitude
qui lui permettent de donnera son imagination une pâture nouvelle
pour son rêveintérieur. Et par là il devient un
grand poète, tel que le définira Mallarmé : "
...un homme qui s'isole pour sculpter son propre tombeau ".
La
nativité - 1896 -collection de l'Etat de Bavière- Munich
par cette citation : " Dieu nappartient pas au savant,
au logicien. Il est aux poètes, au Rêve. Il est le symbole
de la beauté, la beauté même" quil
approchera sa grande toile dont il veut faire son chef-doeuvre
; Doù venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous?
Gauguin
- D'où venons-nous?qui sommes nous?Où allons nous- 1898-musée
de Boston- dimension 375X138
L'interrogation pascalienne est ici toute la philosophie de Paul Gauguin,
et le plus terrible cri de souffrance " Qu'il regarde.... ( si
toutefois ils ont un coeur pour sentir) et ils verront ce qu'il y
a de souffrance résignée. Ce n'est donc rien un cri
humain " Le sens profond de la toile est l'atroce désespoir
de l'homme, tel celui de Verlaine: " Un sommeil noir tombe sur
ma vie. Dormez, tout espoir, Dormez, toute envie".
Détaché
de sa famille, ayant perdu sa fille préférée
Aline, réduit à l'ultime désespoir, malade, misérable,
vivant dans l'angoisse de ne pas recevoir (ou si peu) d'argent des
tableaux qu'il envoie en France, Gauguin, décidé au
suicide, entreprend une grande toile qu'il avait en tête, une
dernière uvre monumentale, son testament spirituel. Durant
tout le mois de Décembre il travaille jour et nuit " dans
une fièvre inouïe " J'y ai mis là avant de
mourir toute mon énergie, une telle passion douloureuse dans
des circonstances terribles et une vision tellement nette, sans corrections,
que le hâtif disparaît et que la vie en surgit ".
Alors il explique : " Tout se passe au bord d'un ruisseau
sous-bois. Dans le fond, la mer puis les montagnes de l'île
voisine. A droite et en. bas un. bébé endormi puis trois
femmes accroupies. Deux figures habillées de pourpre se confient
leurs réflexions. Une figure énorme volontairement et
rnalgré la perspective, accroupie, lève le bras en l'air
et regarde étonnée ces deux personnages qui osent penser
à leur destinée. Une figure au milieu cueille un fruit.
Deux chats près d'un enfant, une chèvre blanche.
L'Idole,
les deux bras levés mystérieusement et avec rythme,
semble indiquer l'au- delà. Une figure accroupie semble écouter
l'idole ; puis une vieille près de la mort semble accepter,
se résigner à ce qu'elle pense et termine la légende
; à ses pieds un. étrange oiseau blanc tenant en- sa
patte un lézard repré- sente l'inutilité des
vaines paroles ".
"
Le symbole n'est pas littéraire mais sensible;
Il
traduit son rêve,
" poème musical qui se passe de libretto" .
Ainsi la nature entière
" régnant en notre âme primitive" est
l'idole,
" consolation imaginaire de nos souffrances en ce qu'elles comportent
de vague et d'incompris devant le mystère de notre origine
et de notre avenir
Tandis quil entreprend cette toile de 4 mètres de long,
Gauguin est dans la pire détresse morale et physique.Il ne
sait pas que Clovis, son fils préféré, est frappé
de paralysie.Il achève la toile. Puis il absorbe larsenic
quon lui avait donné . Il veut mourir. Les vomissements
le sauvent de lempoisonnement. Il est « condamné
à vivre».
"Jamais
plus" 1897 courtauld's institue
"Faa
ihene" 1898 national gallery
Dès qu'il éprouve quelque répit, dès qu'il
se reprend à espérer, il recopie et illustre son manuscrit
de Noa-Noa ébauché lors de son premier séjour
à Tahiti et que cHarles morice a mis au point et fera éditer
à Paris Dans l'esquisse ci-dessous exposé "Manao-tupapau,
se dévoile son désir de contester l'autorité
d'Edouard Manet chef des impressionistes qui venait de réaliser
son célèbre tableau l'Olympia.
Gauguin décide de quitter Tahiti afin de trouver ailleurs un
renouveau de son inspiration. Cest aux Marquises quil
sinstallera, dans la petite île de Hiva Oa. Téhura
refuse de le suivre.
Dans lîle, il rentre en conflit avec les autorités
administratives et religieuses. Il prend la défense des marquisiens
spoliés et leur conseille de ne pas payer limpôt.
Comme sa grand-mère, Flora Tristan, il devient le défenseur
des faibles . Au terme de ce combat quil a livré contre
la Société de son temps, Il est vaincu une nouvelle
fois - Il est , en effet, condamné à 3 mois de prison
et 500 francs damende - Il na plus le goût de peindre.
Gauguin a fait appel mais la mort devancera le jugement des hommes.
Il meurt seul dans sa case..
<<Koké
est mort, il n'y a plus d'hommes>> s'écrit son voisin
Tiokâ
Sur la tombe, on a déposé un bloc de pierre ou est gravé
son nom et lannée de sa mort. Ses biens et ses toiles
furent dispersés aux enchères; La plupart de ses dessins
et de ses sculptures furent jetées «aux ordures».
Dans sa révolte contre une conception de la peinture "
témoin du réel ", il a ouvert les voies suivies
par les symbolistes , puis par les fauves et les allemands. Il s'est
attachéà entraîner l'artiste vers cette force
intérieure qui doit être l'unique objet de l'art. Son
exemple connaîtra une exceptionnelle postérité.
Le temps a apporté à Paul Gauguin la gloire quil
voulait conquérir.Dieu merci