La
période "sèche"
En 1881, Renoir a quarante
ans ; il a terminé le déjeuner des Canotiers. Pour la
première fois il va pouvoir voyager. Il ira en Algérie
mais sera conquis par l'Italie, surtout par Venise, qu'il évoquera
dans plusieurs toiles.
De
ce voyage, il restera marqué par la beauté des fresques
de Raphaël et les huiles de Ingres. Ces deux grands peintres
vont désormais influer sur la manière de peindre et
de dessiner de Renoir.
A partir de ce moment,
Renoir doute et remet son uvre en question. Il s'éloigne
de plus en plus de l'impressionnisme, les contours de ses personnages
deviennent plus précis. Il dessine les formes avec plus de
rigueur, les couleurs se font plus froides.
La transition sera progressive
car Renoir est en perpétuelle recherche d'un art pictural absolu.
Dès fin 1881, il écrit à Durand-Ruel: "Je
suis encore dans la maladie des recherches. Je ne suis pas content
et j'efface, j'efface encore....".
L'évolution de
la peinture de Renoir est visible dans plusieurs uvres, par
exemple dans les trois grandes toiles réalisées en 1883
pour décorer l'appartement de Durand-Ruel. Dans ces trois panneaux
verticaux sur le thème de la danse, la rigidité des
traits, particulièrement pour le personnage masculin, s'accentue
au fil des tableaux. Dans le tableau "Les parapluies", les
deux styles de peinture se côtoient. A gauche, une femme assez
"rigide" et à droite des enfants plus fluides, de
touche "impressionniste".
Cette
période de 1883 à 1888 sera appelée période
"sèche", "aigre" ou "ingresque".
Renoir est devenu l'ami
intime de Paul Bérard, diplomate et banquier qui l'avait remarqué
quelques années plus tôt.
De 1883 et 1886, il
travaille souvent à Wargemont dans la propriété
de celui-ci.
Le tableau des enfants
Bérard qu'il peindra en cette année 1884 n'a rien de
commun avec celui réalisé en 1881 et témoigne
de la rigueur de Renoir en cette période.
Le
21 mars 1885 est un événement pour Renoir, la naissance
de son premier fils, Pierre. Renoir laisse de côté les
toiles en cours et se consacre à une série de dessins
et de toiles sur le thème de la maternité.
Il
rend hommage à la mère de son enfant dans une toile
intitulée "Aline Charigot" qu'il gardera jusqu'à
sa mort. En 1916, après le décès d'Aline, il
dirigera un jeune sculpteur, Richard Guino, qui executera un bronze
"Buste de Madame Renoir", inspiré de ce tableau.
Renoir
se remet à l'ouvrage ; il travaille sur un grand projet. Il
lui faudra trois ans pour réaliser la toile considérée
comme la toile majeure de cette période "sèche":
Les
grandes baigneuses
Des
années de labeur, des années de recherche comme témoignent
les nombreuses études qu'il réalisa.
Et
pourtant des avis mitigés vont accueillir ce tableau. Paul
Durand-Ruel n'aime pas ce nouveau style, ses amis peintres sont réservés
et regrettent, pour la plupart, la fluidité d'antan et la souplesse
de son trait impressionniste.
En 1889, alors qu'il
refuse de participer à l'exposition universelle, il se justifie
en déclarant: "Je trouve tout ce que je fais mauvais et
il me serait on ne peut plus pénible de le voir exposer".
Evoluer et évoluer
encore, telle est la raison de peindre de Renoir ; ainsi glissera
t-il lentement vers la volupté de la période "nacrée".
Au vu de l'immensité
de son uvre, la période dite "ingresque" est
de très courte durée avec des toiles plus rudes, certes,
mais si belles.