Eugène
Delacroix
par Félix Nadar 1858
"Le
célèbre portrait de Nadar montre Delacroix en 1858 :
résolution et attention. Une manière d' affirmer que
le véritable peintre est celui qui est immuablement concentré.
Ecoutons Baudelaire : " Tout en lui était énergie...
Le tigre,
attentif à sa proie, a moins de lumière dans les yeux
et de frémisseements impatients dans les muscles que n'en laissait
voir notre grand peintre, quand toute son âme était dardée
sur une idée ou voulait s'emparer d'un rêve" .
Augustin de Butler "
Delacroix la couleur
du rêve" -Georges Duby - Editions Vilo 1998 (extrait p.10)
)
EUGENE
DELACROIX (1798-1863)
Eugène Delacroix .
Photographie de Félix Nadar 1858
© Paris Cabinet des estampes et de la photographie Bibliohèque
Nationale
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Ferdinand-Victor-Eugène
Delacroix naît le 7 Floréal de l'an VII , soit en 1798
à Charenton Saint-Maurice, tout près de Paris, dun
haut fonctionnaire de l'Etat Charles delacroix et dune mère
dorigine allemande, parente de J.F. Oeben, lébéniste
de Louis XV et de Louis XVI. Or, au moment de sa naissance, il semble
que son père malade depuis 1797 n'était pas en mesure
de procréer, et il semble que l'on puisse attribuer sa paternité
au Prince de Talleyrand, lhomme du concordat et du congrès
de Vienne et grand séducteur qui protegea l'artiste au début
de sa carrière. Talleyrand étant Premier Ministre, il
fût envoyé à létranger juste lannée
de la naissance de lartiste
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Le
père d'Eugène Delacroix meurt en 1806. Le petit garçon
et sa mère sinstallent alors à Paris. Eugène
y fréquente le Lycée Impérial ( aujourdhui
Lycée Louis Le Grand ) où son talent pour le dessin
s'exprime au grand jour. Son
oncle, le peintre H.F. Reisener, en 1815, le recommande à P.N.Guerin,
qui est un ancien élève de David et un peintre académique
de renom.
Eugène Delacroix
fait son apprentissage du dessin et de la peinture, et fait la connaissance
dartistes talentueux tels que Géricault et Gros. Il se
lie aussi damitié avec le peintre paysagiste Bonington
qui le conduit à étudier la peinture de la nature.
Il fréquente
les peintres mais aussi le musée du Louvre où il copie
les grands maîtres qu'il admire : Rubens, Velasquez, Rembrandt,
Véronèse, partagé qu'il est déjà
par dun côté, laspiration à la tradition
et au classicisme, de lautre, par lintrospection et le
besoin de chercher derrière les apparences et le réel.
Ce conflit l'habitera toute sa vie sans jamais le résoudre,
mais il sera à la source de ses oeuvres les plus modernes,
et les plus significatives de par leur énergie libératrice
et leur couleur.
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E. Delacroix
" Coin de l'atelier, le poêle "
1825
Huile surt toile 105 x 81 cm
51 x 44 cm
© Musée du Louvre Paris
E. Delacroix
"Nature Morte aux homards "
1827
Huile surt toile 80 x106 cm
© Musée du Louvre Paris
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E. Delacroix"
Dante et Virgile aux Enfers "
1822
Huile sur toile 189 x 241,5 cm
© Musée
du Louvre Paris
E. Delacroix
"Le Massacre de Scio"
1824
Huile sur toile 419 x 354 cm
© Musée du Louvre Paris
En 1822, Delacroix fait
sa première entrée dans le monde artistique de lépoque
en exposant " Dante et Virgile aux Enfers ", une uvre
vigoureuse, à la composition ambitieuse et aux couleurs très
travaillées, qui sera achetée malgré les critiques
dont elle est lobjet, par lEtat . Deux ans plus tard,
il peint "Le Massacre de Scio" dont la composition et lénergie
sont plus puissantes encore, et dont lEtat se porte une nouvelle
fois acquéreur, indifférent à la critique. Ces
deux toiles concrétisent la polémique entre romantisme
et classicisme, entre dessin et couleur, laquelle suivra le peintre
toute sa vieet et qui le mettra en opposition à Ingres.
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En
1825, Delacroix décide de passer trois mois en Angleterre, séjour
qu'il consacre à l'étude de Constable, le plus grand peintre
paysagiste européen de lépoque, dont il cherche
à capturer la technique qui donne du poids à latmosphère,
et une vibration aux couleurs. Cest une période importante
pour lartiste qui cherche à se concentrer davantage sur
les couleurs, et sur ses effets physiques et psychologiques.
E. Delacroix
"Paysage de la Campagne anglaise "
1825
Aquarelle14 x23cm
© Musée du Louvre Paris
E. Delacroix
"Paysage de la Campagne anglaise "
1825
Aquarelle14 x23cm
© Musée du Louvre Paris
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E. Delacroix
"La Grèce sur les Ruines de Missolonghi "
1826
Huile sur toile 209 x 147 cm
© Musée des Beaux Arts Bordeaux
© Musée du Louvre Paris
E. Delacroix
" La Mort de Sardanapale "
1827
Huile sur toile 392 x 496 cm
© Musée du Louvre Paris
Luvre quil
expose au salon de 1827,"La Mort de Sardanapale", est le
fruit de ses recherches : tout en étant très colorée
est traitée avec vigueur , elle demeure classique et d'une
solennité académique, mais riche aussi d'une certaine
complexité révélatrice de l'état psychologique
dans lequel se trouve Delacroix derrière les apparences de
la vie mondaine.
En apparence, tout va
bien : lartiste fréquente les salons littéraires
parisiens, et rencontre Stendhal, Mérimée, Victor Hugo,
Alexandre Dumas. Passionné aussi de musique, il voit aussi
Paganini et Fredéric Chopin, dont il fera deux portraits très
pénétrants et se fait la compagnie d' écrivains
et de poètes comme Théophile Gautier ou Baudelaire qu'il
préfère à celle des peintres.
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La
peinture est pour lui une passion : dans son journal qu'il a commencé
en 1822, interrompu quelques années, puis qu'il reprend en
1847 jusqu'à sa mort -, il sinterroge sur lart
et les artistes, il compare les oeuvres du passé pour en saisir
leurs correspondances et leurs différences, et pour en pénétrer
leur mystère ou leur grandeur.
E. Delacroix
"La Femme aux Bas Blancs
1825
Huile sur toile 26 x33 cm
© Musée du Louvre Paris
E. Delacroix
"La Femme caressant un perroquet
1827
Huile sur toile 24,5 x32,5 cm
© Musée des Beaux Arts Lyon
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E. Delacroix
"La Liberté guidant le Peuple"
1830
Huile surt toile 260 x 325 cm
© Musée du Louvre Paris
Il exprime le besoin
de trouver des indications pour comprendre sa propre peinture, pour
l'expliquer et en trouver les règles, et en chercher encore
le sens du naturel et la magie des couleurs .« Il y a un homme
qui fait clair sans contraste violent, qui fait le plein air quon
a toujours répété impossible, disait-il, cest
Paul Veronèse. A mon avis, il est probablement le seul qui
ait surpris le secret de la nature. Sans imiter précisément
sa manière, on peut passer par beaucoup de chemins sur lesquels
il a posé de véritables flambeaux ».
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C'est
en 1832 qu'il décide de faire un long voyage au Maroc et en Algérie
: il découvre la magnificence de la lumière et de la couleur
dans les paysages, mais aussi des gens différents, plus simples,
et plus authentiques. Il y découvre aussi la sensualité
et le mystère des intérieurs, dont le tableau " Les
Femmes d'Alger dans leur appartement " retranscrit en 1834 des
sensations intenses qui dès lors alimenteront beaucoup son oeuvre
tout le reste de sa vie.
E. Delacroix
"Femmes d'Alger dans leur appartement"
1834
Huile sur toile
180 cm x 229 cm
© Musée du Louvre Paris
E. Delacroix
"Femmes d'Alger dans leur appartement" (détail)
© Musée du Louvre Paris
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E. Delacroix
"L'Entrée des Croisés à Constantinople"
1841
Huile sur toile 410x 498 cm
© Musée du Louvre Paris
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E. Delacroix
" La Mort de Marc Aurèle "
1844
Huile sur toile
256 x 337 cm
© Musée des Beaux Arts Lyon
Ces nouvelles découvertes
ne lui suffisent pas pour autant . Delacroix ne se veut pas révolutionner
lart, et ne veut pas sabîmer dans ses visions intérieures
: il veut peindre pour les autres, innover, mais aussi faire carrière
sans se trahir.
A son retour du Maroc,
il se consacre entre 1838 et 1847 à une commande publique qui
est celle de décorer le Salon du Roi du Palais-Bourbon et qui
lui permet daffronter de vastes surfaces et de renouer avec
la tradition de la décoration baroque, comme celle de Rubens.
Mais à côté, il continue de peintre des portraits
et diverses toiles orientales. Il travaille aussi à la décoration
du Palais du Luxembourg entre1840 et 1846, mais aussi à celle
du plafond central de la Galerie dApollon au Louvre ou à
la Chapelle des Saints Anges de Saint-Sulpice.
A son amie George Sand,
il dit : « Nous travaillerons jusqu'à lagonie :
que faire dautre au monde, à moins de se saouler, quand
vient le moment où la réalité nest plus
à la hauteur du rêve ? ».
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E. Delacroix
"Musiciens Juifs de Mogador"
1847
Huile surt toile 40 x 55cm
© Musée du Louvre Paris
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Delacroix
mène une double vie : celle d'une vie dans les salons, avec
les belles dames, et les hommes cultivés de l'époque,
en aspirant à l'Académie académicien, et celle
d'une vie cachée montrant en réalité un homme
sans espérance et secret qui ne parvient à délivrer
ses tourments et ses désirs que dans la peinture. Cest
lhomme qui écrivait dans son journal : " Lhomme
porte dans son âme des sentiments innés qui ne seront
jamais satisfaits par les objets réels, et cest à
de tels sentiments que limagination du poète et du peintre
donnera forme et vie." Delacroix était aussi un homme
de passion, et cherchait les moyens dexprimer cette passion
de la manière la plus visible.
E. Delacroix
"Rebecca enlevée par le Templier
lors du siège de Frondeboeuf "
1858
Huile surt toile 105 x 81 cm
© Musée du Louvre Paris
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Ce
fut une vie plutôt d'apparence tranquille que mena Eugène
Delacroix, rythmée par les événements extérieurs,
mais parsemée de beaucoup de zones dombre, dont il ne parlera
jamais, même dans le journal pourtant quil aura tenu une
grande partie de sa vie. L'origine de sa naissance, et les raisons de
croire que son père légal ne fût pas son géniteur,
fût sans doute la cause de ce caractère double et complexe,
dans lequel Eugène Delacroix trouva les signes de son génie
et de son talent. Baudelaire lui reconnaissait son admiration, et le
considérait comme le plus grand peintre du siècle de par
le mélange de tradition classique et de ferveur romantique, de
certitudes et de contradictions qu'il mettait dans son oeuvre.
Lorsquil
meurt, le 13 août 1863, d'une longue maladie qui lui rongeait
la gorge, le milieu académique lui demeure encore hostile,
mais les jeunes peintres reconnaissent en lui le vrai maître
de son temps, et en lui un génie authentique.
Le
Monde des Arts
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E.
Delacroix
" Trois arbres sur une colline "
1827
Aquarelle
16,4 x 23 cm
© Musée Bonnat Bayonne
E.
Delacroix
" Etude pour La Mort de Sardanapale "
1827
Mine de Plomb Plume et Lavis
29,1 x 41,6 cm
© Musée Bonnat Bayonne
E.
Delacroix
" Le départ du Cavalier arabe "
1832
Plume et encre brune
24 x 38 cm
© Musée des Beaux Arts Lyon
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