Lettre
en rouge pour un jour gris
Après ce long silence, tout reprendre au début, à
l'enfance. A l'enfance floue, flouée, embuée d'angoisse
déjà. Puis autres coups portés, précis
comme une lame au travers d'un papier, et l'injustice muette fendant
la brume douce des souvenirs bavards, et l'on commence à grandir,
petit à petit, à reculons et sans comprendre.
Il
me reste comme une image ?
Une fillette debout, une fenêtre fermée, derrière,
un paysage blanchi par les vitres mouillées, et une goutte
brillante qui trace en s'écoulant un détail oublié,
comme une cicatrice. Je tends la main. Et je pleure sans souffrir.
Déjà tu me manquais.
Cruauté
précise de la désillusion, et mémoire enfumée
qui gomme le bonheur pour ne rien regretter.
Qui gomme le bonheur et les mots du bonheur. La fillette étourdie,
la jeune fille repliée et pleine de violence, puis la femme
étonnée et vide et sans un son. Et toujours ces mots
là qui giclent quand rien ne va : « C'est la vie ! ».
Mais non. Ce n'est pas ça. C'est ?C'était ?Je ne sais
plus ?parler, ni ?dire ? plus que sentir, un peu moins chaque fois.
Et
puis toi.
Et puis ?toi.
Et ?je ne sais pas ?Toi.
Toi au milieu de la vie, la vie qui est « comme ça »,
comme ça, si loin de moi. Ma vie qui est comme Toi. Et moi
qui ne sais pas comment te rejoindre, comment t'atteindre. Comment
retrouver les mots ni comment dire je t'aime.
La
vie comme un grand vide, comme un trou de mémoire qui tient
juste ta place.
Et toi qui n'es pas là. et toi qui ne sais pas, parce que je
ne me souviens plus comment ?dire ?ni qui ?je suis ?sans toi.
Je
te regarde et tu me vois peut être.
Rien que pour toi, je suis à prendre. Je suis légère,
tu sais. J'ai posé tous mes bagages quand je t'ai rencontré.
Si légère et si vide.
Je
n'avais rien à donner, que ça, et puis même, je
ne sais pas.
Et toi qui es dans la vie. La vie qui se nourrit de tout mais pas
du vide ; de tout mais pas de moi.
Alors
voilà ?.Bientôt je n'existerai pas.
Je suis une fillette et je casse la vitre pour y voir derrière
?si peut être.
Demain peut-être, le soleil brillera pour toi. Je ne serai plus
là, ces traces rouges auront brulé..................
Le
silence aura gagné.
Lys
des neiges
le
11 janvier 2004 à 19h45