Le
Mauvais Moine
Les
cloîtres anciens sur leurs grandes murailles
Etalaient en tableaux la sainte Vérité,
Dont l'effet réchauffant les pieuses entrailles,
Tempérait la froideur de leur austérité.
En ces temps où du Christ florissaient les semailles,
Plus d'un illustre moine, aujourd'hui peu cité,
Prenant pour atelier le champ des funérailles,
Glorifiait la Mort avec simplicité.
- Mon âme est un tombeau que, mauvais cénobite,
Depuis l'éternité je parcours et j'habite;
Rien n'embellit les murs de ce cloître odieux.
O moine fainéant! quand saurai-je donc faire
Du spectacle vivant de ma triste misère
Le travail de mes mains et l'amour de mes yeux?

L'Ennemi
Ma
jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage
Traverse ça et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà
que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et
qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
-
O douleur! o douleur! Le temps mange la vie.
Et l'obscur ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croit et se fortifie!