Antonin Artaud
1896 / 1948
Petit poeme des poissons de la mer
Suivi de citations
Antonin
Artaud
Petit
poème des poissons de la mer
Pour communiquer mon message Aux poissons: «Voilà ce que je cherche et que je veux savoir.»
Du fond des mers sont remontés Répondre à ce que je voulais.
«Nous ne pouvons pas vous le dire Monsieur PARCE QUE» Là la mer les a arrêtés.
Pour les mieux fixer au visage Et leur ai redit mon message: «Vaut-il mieux être que d'obéir?»
Mais j'eus beau crier à la ronde Ils n'ont pas voulu entendre raison!
Excellente pour cette épreuve Où la mer allait obéir.
Pendant que j'actionnais la pompe À eau douce, pour les punir.
Me dit: «Les petits poissons sont tous morts.»
Lui criai-je en plein dans l'oreille, Va rejoindre le fond de la mer.»
et Alice pensa avec un frisson: «Pour rien au monde je n'aurai voulu être ce messager!»
L'obéissant ne souffre pas.
Pourquoi l'obéissance entière Est ce qui n'a jamais souffert
Comme la masse de la mer.
Ils vont au but et tu t'agites. Ton destin est le plus amer.
Parce qu'ils ont préféré à être D'aller au but sans rien connaître De ce que tu appelles obéir.
Tous les autres êtres ne sont pas Encore, et ils souffrent.
Pourquoi?
On ne peut pas dire qu'ils ne sont pas.
Pourquoi?
Qui sépare l'Être d'obéir!
Être assez pour se dispenser D'apprendre ce que veut la mer...
Il y eut une longue pause. «Est-ce là tout? demanda Alice timidement.»
·
«Je ne suis né que de ma douleur» · «Ce refus imbécile de s'avancer jusqu'aux idées» Supplément
au Voyage au Pays des Tarahumaras. · «Avec moi c'est l'absolu ou rien, et voilà ce que j'ai à dire à ce monde qui n'a ni âme ni agar-agar.» Lettre
du 9 octobre 1945. · «Je ne commanderai pas à mes désirs et à mes envies, mais je ne veux pas non plus qu'ils me conduisent, je veux être ces désirs et ces envies» Lettre
du 20 septembre 1945. ·
«Si je suis poète ou acteur ce n'est pas pour écrire
ou pour déclamer des poésies, mais pour les vivre [...]
Je veux que les poèmes de François Villon, de Charles
Baudelaire, d'Edgar Poe ou de Gérard de Nerval deviennent vrais
et que la vie sorte des livres» Lettre du 6 octobre 1945. ·
«J'aime [...] les poèmes des suppliciés du langage
qui sont en perte dans leurs écrits, et non de ceux qui s'affectent
perdus pour mieux étaler leur science et de la perte et de
l'écrit. [...] Tout ce qui n'est pas un tétanos de l'âme
ou ne vient pas d'un tétanos de l'âme comme les poèmes
de Baudelaire ou d'Edgar Poe n'est pas vrai et ne peut être
reçu dans la poésie.» Lettre du 22 septembre 1945.
· «On n'a pas le droit d'écrire comme cela, un poème qui est hors du coeur, hors de l'affre et du sanglot coeur, un poème qui n'a pas été souffert comme: Dites-moi où, dans quel pays Est Flora la belle Romaine, La royne Blanche comme un lys Qui chantait à voix de sirène» Lettre
du 20 septembre 1945. · «Les gens sont bêtes. La littérature vidée. Il n'y a plus rien ni personne, l'âme est insane, il n'y a plus d'amour, plus même de haine, tous les corps sont repus, les consciences résignées. Il n'y a même plus l'inquiétude qui a passé dans le vide des os, il n'y a plus qu'une immense satisfaction d'inertes, de boeufs d'âme, de serfs de l'imbécillité qui les opprime et avec laquelle ils ne cessent nuit et jour de copuler, de serfs aussi plats que cette lettre où j'essaie de manifester mon exaspération contre une vie menée par une bande d'insipides qui ont voulu à tous imposer leur haine de la poésie, leur amour de l'inepsie bourgeoise dans un monde intégralement embourgeoisé, avec tous les ronronnements verbaux des soviets, de l'anarchie, du communisme, du socialisme, du radicalisme, des républiques, des monarchies, des églises, des rites, des rationnements, des contingentements, du marché noir, de la résistance.» Lettre du 17 septembre 1945.
·
«Les asiles d'aliénés sont des receptacles de
magie noire, conscients et prémédités. Et ce
n'est pas seulement que les médecins favorisent la magie par
leur thérapeutique qu'ils raffinent, c'est qu'ils en font.
S'il n'y avait pas de médecins, il n'y aurait pas de malades,
car c'est par les médecins, et non par les malades, que la
société a commencé. Ceux qui vivent, vivent des
morts, et il faut aussi que la mort vive... Il n'y a rien comme un
asile d'aliénés pour couver doucement la mort, et tenir
en couveuse les morts. Cela a commencé 4000 ans avant J.C.,
cette technique thérapeutique de la mort longue. Et la médecine
moderne, complice en cela de la plus sinistre et crapuleuse magie,
passe ces morts à l'électrochoc ou à l'insulinothérapie,
afin de bien, chaque jour, vider ces haras d'hommes de leur moi, et
de les présenter, ainsi vides, ainsi fantastiquement disponibles
et vides, aux obscènes sollicitations anatomiques et atomiques
de l'état appelé «bardot». Livraison du
barda de vivre aux exigences du non-moi. Le Bardot est l'astre de
mort par lequel le moi tombe en flasque, et il y a, dans l'électrochoc,
un état flasque, par lequel passe tout traumatisé. Ce
qui lui donne non plus à cet instant de connaître, mais
affreusement et désespérément méconnaître
ce qu'il fut quand il était soi. J'y suis passé et ne
l'oublierai pas.» Entrevue radiophonique. |